Les évènements que capte l’objectif de Leiter sont ordinaires, discrets voire furtifs, presque perdus en regard du relief que reçoivent les moindres singularités de la lumière, du contraste, des gradations et de la tonalité. Les figures humaines y sont traitées d’abord en tant que formes ; ensuite seulement on y reconnaît ici un colporteur ou un boutiquier du trottoir, là un homme lisant son journal. C’est un univers d’échos et de ricochets, saisi sous des angles qui remettent à plat ces présences diverses qui animent l’espace urbain.
Parmi les photographes qui hantèrent les rues de New York des années 1950, il se distingue en ce qu’il semble jouer de sa caméra comme d’un thermomètre tout autant que d’un appareil optique. Tel est du moins ce que suggère son travail chromatique pionnier, qui dépeint la ville à travers les écrans de zones de température ostensiblement différentes : entre le lieu où il se tient, souvent dans l’ombre, et ce qu’il regarde, la température n’est pas la même.
Le talent du photographe consiste précisément à faire surgir des événements virtuels là où il ne semble se trouver rien de particulier.