Mon état d’euphorie frise l’imaginaire, cela fait un mois que mes deux livres se partagent les places de première et seconde œuvres les plus vendues dans le monde. Je n’avais jamais espéré toucher autant de femmes, aujourd’hui, je peux le dire : je suis leur modèle. Les femmes envient mon courage et la plupart des hommes me déteste. Dans certains pays, il y a de nombreuses manifestations pour la censure de mes écrits. Ils vont même jusqu’à organiser des feux filmés par la télévision où ils brûlent une à une les pages de mes œuvres.
Se rendent-ils compte qu’au final ils font doubler… Voire tripler mes ventes… Bandes d’ignorants !
J’observe cette fille, je l’analyse. Plus mes yeux sont sur ce cliché plus je la déteste. Elle n’avait qu’un but : être aimée des autres. C’est dur de s’intégrer dans la société dans laquelle on vit. Puis, mes iris se lèvent pour apprécier cette femme. Pour la première fois de toute ma vie, j’adore ce que je suis devenu parce que je suis moi, le vrai moi, celle que je mérite d’être. Je n’ai pas besoin de tous ces gens, je suis bien entourée depuis toujours car c’est moi qui ai choisi mon entourage.
Charismatique, fascinant, captivant, il a une classe folle, une confiance en lui absolue. Il joue, il est comme moi, il utilise ses meilleurs atouts, il les met en avant car il sait que ça déstabilise son adversaire. Heureusement, j’arrive à contrôler cet aspect… Et par la même occasion mes doutes, mes craintes, mon pouvoir de manipulation et enfin mon sex-appeal. Quand je suis avec lui, il me fait ressentir que je suis exceptionnelle, ce qu’il ne sait pas c’est qu’il l’est aussi…
Après avoir rédigé « La vie n’est qu’un jeu », j’ai contacté un grand nombre de maisons d’édition, on me l’a refusé à chaque fois. J’ai cru en mon œuvre et j’ai supposé que c’était parce que j’étais une femme. C’est là que j’ai proposé à Gabriel, un ami, de se faire passer pour l’auteur. Afin d’être édité, il faut exister. Grâce à sa carte d’identité, je n’ai eu aucun mal à trouver un éditeur… Au contraire, je n’ai eu que l’embarras du choix, ce qui prouve que j’avais raison.
J’adore la nouvelle technologie, je la trouve prometteuse !
Au début quand je suis arrivé à New York, j’ai cru que mon projet n’aboutirait jamais, j’étais dépaysé, fatigué et je ne me sentais pas à l’aise de devoir jouer « la fouine française ». Finalement, après avoir séduit les bonnes personnes, j’ai récolté bien plus d’informations qu’il ne le faudrait. Je dirais même que ça m’a amusé, me mettre dans la peau d’une autre personne sous un faux nom, c’était divertissant.
Nos regards se croisent à nouveau, la passion et la fougue qui avaient disparu viennent de réapparaître. J’avance, je vais doucement caresser sa main avec la mienne, mes doigts viennent glisser sur sa joue puis langoureusement ma bouche se pose sur ses lèvres encore un peu rosées de son maquillage. Le désir pointe le bout de son nez pour s’emparer de nous, je caresse ses cheveux, mon caleçon me paraît bien trop serré.
Crocheter une serrure n’a rien de compliquer, c’est surtout passer inaperçu qui est difficile. Tout d’abord, je fais le tour de l’immeuble pour m’assurer que les appartements sont plongés dans le noir. Je monte à pas de loup les trois étages en priant de ne rencontrer personne. Ce n’est pas la première fois que je fais ça, mais aujourd’hui, la cible est plus intéressante, ce qui fait monter d’un cran la tension.
En me regardant dans le miroir, j’avoue que je ne me reconnais pas tout de suite. En ce moment, je ne suis même pas sûr qu’elle vienne, je suppose que mon élégance fera la différence. Je veux entrer dans sa vie, il ne faut pas que je me laisse démonter, je mets de côté mes vilaines pensées et me remémore les conseils de son amie en retrouvant ma voiture.
Je n’arrive plus à le regarder, j’ai honte de moi, les limites ont été franchies, c’est moi qui les ai dépassées. Je ne sais plus quoi lui dire, je dois partir sinon je viendrais à m’excuser, je repense à ses mots, je crois qu’il a raison : l’amour est une faiblesse, il apporte plus de peine que de bonheur.
Trop de liberté, donnera sûrement de l’abus. Avec l’arrivée de la pilule, je pense que l’avortement peut être largement évité. Je me retourne afin de lui faire face, je vais doucement l’embrasser, je ne peux pas passer à côté de ce bisou qui me démange depuis que je l’ai vue se déhancher.