Dr. Michael Parenti on "Lies, War, and Empire" given May 12, 2007 at Antioch University in Seattle.
«Notre sens du passé», écrit John Gager, «est fabriqué pour nous, en grande partie, par les vainqueurs de l'Histoire. Les voix des perdants, quand elles parviennent à être entendues, sont transmises à travers un réseau de filtres soigneusement ajustés.» Je vais m'efforcer, dans ce livre, de déconstruire certains de ces filtres, pour montrer qu'une grande partie de ce qui nous est enseigné, cette transcription popularisée des événements bénéficiant d'une large audience, est travestie dans le but de servir ou de refléter les intérêts socio-économiques dominants.
Pour l'essentiel, l'Histoire est présentée comme dénuée d'idéologie. Les termes «histoire officielle», «histoire orthodoxe», «histoire conventionnelle» ou même «histoire des classes dirigeantes» sont mieux appropriés, car ils soulignent le point de vue de la population riche et influente qui contrôle les principales institutions de la société. C'est une sorte de chronique accommodée par les auteurs de manuels, les académiciens conservateurs, les dirigeants politiques, les autorités dépendant du gouvernement, les entreprises des médias d'information et de loisirs; c'est une désinformation qui commence avec l'enfance et continue toute la vie. Ce qu'on nous enseigne généralement n'est pas la réalité, mais une version particulière de celle-ci, une version destinée à nous rallier aux pouvoirs en place. (avant-propos)
La critique qui estime la Rome antique criblée d'injustice de classe est susceptible d'être jugée par les cicéroniens d'aujourd'hui coupable de "présentisme", en d'autres termes, coupable de l'affectation anachronique de valeurs contemporaines à une société du passé. Mais si nous nous immergeons sans discernement dans le contexte d’une société du passé, la voyant seulement comme elle se voyait elle-même, nous adoptons ses propres illusions (…) ceux qui insistent pour que nous percevions le passé "uniquement dans ses propres termes", en supposant que ce soit possible, oublient fréquemment que cela signifie généralement le voir à travers les yeux de sa classe dominante, la classe qui a pratiquement monopolisé le récit qui est parvenu jusqu’à nous.
En tout cas nous pouvons nous demander pourquoi tant d'universitaires ont jugé le peuple romain vénal et avili uniquement parce qu'il demandait du pain à un prix abordable et était désireux d'avoir de quoi se nourrir, lui-même et ses enfants.
Le républicanisme a peut-être été en grande partie, une façade pour les privilèges des oligarques, comme il l'est souvent de nos jours, supporté à contrecœur par les élites pour autant qu'il s'avère utile à leurs intérêts.
C'est une pratique consacrée par le temps de traiter les réformateurs de "téméraires" et de "provocateurs" pour justifier la violence déchaînée contre eux par les forces réactionnaires