Michael Ween

— Il a une conscience et un langage.
— Qui ça ?
— L’animal ! Qu’elle soit individuelle ou collective, il a une conscience, un mammifère a son propre langage, ressent la douleur, il perçoit même des multitudes de choses, mais nous ne sommes pas encore assez évolués pour le comprendre. Un jour, pour des mêmes faits criminels à son encontre, l’Homme sera jugé et condamné pour meurtre.

À son goût, le manque de population est manifeste, car même s’il aime la solitude, Matt a besoin de se sentir entouré, la ville pour cela lui convient parfaitement. C’est un citadin dans l’âme, les ballades, la forêt, la campagne, il n’a rien contre, mais uniquement en week-end ou en vacances ; il ne se voit pas y vivre. Il est trop habitué aux bruits, aux odeurs qu’une métropole dégage, c’est presque une addiction pour lui, il faut qu’il se shoote au métro, aux tuyaux d’échappement, aux files d’attente d’un cinéma. D’ailleurs, s’il séjourne dans un endroit calme sans agitation, la première nuit il aura du mal à trouver le sommeil, et il lui faudrait presque un enregistrement de bruits pour s’endormir, à la manière d’un enfant une musique de klaxon, de sirènes, avec des moteurs qui couvrent des voix, le bercerait à coup sûr.

Avec lui à ses côtés, elle se sent épaulée dans sa vie. Elle ne cessait de rabâcher auprès de ses copines qu’elle avait besoin d’une épaule solide pour pouvoir poser sa tête, une épaule dont les caractéristiques respirent l’empathie, le respect, la tendresse. Depuis quatre ans qu’ils sont ensemble, ils ne manquent pas une occasion pour manifester mutuellement leurs sentiments. Pour Peter, c’est dans le quotidien qu’il se rapproche de sa compagne, tandis que pour elle, c’est un petit week-end en amoureux, une sortie, tout ce qui peut entretenir la flamme pour qu’elle ne s’éteigne jamais.

Voilà près de vingt minutes qu’il tourne en rond, il est agacé, il a l’impression qu’il est déjà passé par là, pour lui tout se ressemble, il ne fait aucune différence, il a du mal à distinguer une bâtisse d’une autre ; même les habitations, les terrains, les vaches lui paraissent identiques, à croire que les lieux ont été reproduits à l’infini. Plus l’heure tourne, plus il s’énerve, moins il trouve, de surcroît la pluie qui redouble d’intensité ne facilite pas sa visibilité, et c’est tout juste s’il peut voir les panneaux.

Comme sa vie est rythmée par des impondérables, il faut qu’il soit toujours en mouvement, et même s’il sait pertinemment que les cimetières sont remplis de personnes indispensables, c’est plus fort que lui, il faut qu’il se rassure, c’est une des manières bien à lui de donner sens à sa vie, se savoir utile conforte ses choix. Aussi, quand il erre comme une âme en peine au beau milieu de cette route complètement déserte, il a la désagréable impression d’être abandonné, comme s’il était seul dans l’univers.

En effet, bien des cœurs se sont amourachés d’elle, mais les conséquences furent désastreuses, cette croqueuse d’hommes prend ce qu’elle désire et s’en va. Ces derniers ne sont qu’un objet qu’elle manipule avec dextérité et subtilité, les pauvres bougres pris au piège deviennent soumis, emprisonnés de leur illusion, car telle une mante religieuse, Margaret repère sa proie, l’attire, la consomme et la dévore de l’intérieur, laissant au chevet de l’espérance des hommes agonisant dans leur chagrin d’amour.

Quel que soit l’espace, rien ne remplacera leur environnement d’origine, c’est la raison pour laquelle, cirque, zoo, parc, sont des endroits qu’il déteste. Il désapprouve ces lieux qui ont été conçus uniquement pour l’Homme, pour son confort visuel d’une part, pour sa capacité à accéder rapidement à sa carte bancaire d’autre part, si bien que parfois, avec Kevin, ils se demandent lequel des deux est en cage, l’Homme ou l’animal ?

Margaret est le genre de femme qui ne laisse pas indifférente la gent masculine. Brune aux cheveux ondulés, sensuelle jusqu’au bout des ongles, un sourire délicieusement malicieux, la belle use de son charme pour toujours arriver à ses fins. Avec sa silhouette de sirène, ses yeux émeraude, n’en déplaise à Homère, Ulysse aurait certainement failli à sa mission.

L’archer de l’amour retira sa flèche et lui laissa une empreinte indélébile de rancœur, depuis Margaret n’aime plus, ne sait plus aimer, handicapée du sentimental elle compense par une insatiable chasse à l’homme. Ainsi, impitoyable au royaume de la souffrance, la reine marque ses courtisans du sceau de la douleur.

Il y a des personnes qui ont besoin le matin d’un temps d’adaptation au réveil comme un sas de décompression, une bulle hermétique loin des agressions sonores, olfactives, qui favorise une émergence en douceur.