(...) Je suis seul au resto, le temps passe… J’ai froid sur la terrasse. Je rentre et l’attente est sans fin. Neuf heures, dix heures… Elle arrive en dansant, à peine s’excusant… Stupeur ! Trahison ! Consternation ! Chloé avait zappé mon invitation et, en totale contradiction avec ses valeurs, me trompait de bon cœur avec Yes-TV-Buzz où parade, en prime time immonde, un rastaquouère inique aux acérées canines, pute et méphistophélique, cet homme qui parlait à l’anus des chiens, à la fois parrain et tortionnaire du PAF, hideuse tête à baffe qui, d’Izieux jusqu’à Périgueux, prétend plaire à tout le monde en déversant dans la mangeoire plasma des zozos béats le tout-à-l’égo des perruches candidates. « Je suis fan ! », bredouille-t-elle.
Je regarde ma rescapée de l’écran cathodique : Chloé est pâle, plus belle que jamais, ma douce anorexique ! Elle me dit avoir mal, un début de migraine, peut-être une allergie, des névralgies à l’âme… Puis, émiettant sur la nappe sa tranche de pain Poilâne, la chère âme épluche en même temps sa libido en panne, s’embrouille, bredouille, bâille… voudrait soudain revoir sa chère maman toxique – charmante, au demeurant – boude telle une sale gosse, puis, soudain frénétique (nous sommes seuls dans la salle), mon joli fantôme est pris d’un spasme métaphysique. « Dis, chéri, halète-t-elle, que va devenir ma sexualité transversale ? N’est-il pas temps que j’opère ma transition ? Baba m’y encourage… » Ensuite la pauvrette redevient muette, livide, défaite, puis à l’improviste hargneuse lorsqu’en guise de café gourmand, entre deux œillades moqueuses, bien droit dans les yeux, soudain la coquine pouffe et me gratifie d’un théâtral et grimaçant bâillement dysmorphophobique.
Qu’ai-je alors fait, mes bons amis ? Qu’auriez-vous fait devant un tel gâchis ? Etc.