Soirée anniversaire : 20 ans des édition Guérin
autour du livre : 100 Alpinistes
DATE : samedi 21 novembre 2015
PROGRAMME
? Hommage à Michel Guérin et retour sur 20 ans d?édition
? Lectures par la comédienne Françoise Sliwka
? Présentation du livre 100 Alpinistes par Charlie Buffet
? Dédicaces par les auteurs présents
? Cocktail dînatoire dans les salons du Majestic.
LIEU : Centre des congrès du Majestic
241 Allée du Majestic - 74400 Chamonix
C’est bien connu les mauvais garçons font peur, mais attirent, et l’espionnage, si décrié, fascine par son univers mystérieux, incertain, inquiétant. À lui donc les œuvres de fiction, les comptes rendus journalistiques sur des affaires à sensation. Les individus sages et sérieux, eux, même s’ils peuvent garder une part de mystère, sont plus lisses et plus présentables. La terminologie officielle, suivie par l’Académie et les chercheurs, retient donc renseignement pour désigner l’activité et les services qui lui sont liés.
Je pose cette hypothèse : la terreur (phobos) et la pitié (eleos), par-delà le rôle spécial que leur assigne Aristote dans sa Poétique, doivent être regardées comme les passions premières de l’affectivité humaine en général. Je constitue le théâtre en paradigme de la mise en Figures de l’affectivité, en tant qu’elle remue une vérité qui, pour m’être d’abord confisquée, est pourtant mienne. Le comédien nous fait comprendre que le mode d’être de l’affectivité est I’en-tiers-de-soi. Il y a du théâtre dans l’affectivité, parce que le tiers y est inexpugnable. La catharsis signifie une inclusion du tiers – celle-ci structurant l’affectivité humaine dans sa geste discontinue, brisée, de morceaux de symbole et de pans d’émotion.
La « caractéristique de ce qui est caché » répondent à l’unisson les dictionnaires. Certes, mais encore ? Le secret est le trou noir, l’incertitude, le non accessible. Il est source d’interrogations et de fantasmes. Il représente l’inconnu. Le secret peut à la fois faire peur – ainsi que l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes{6} : « Seul l’inconnu épouvante les hommes » –, mais aussi susciter des sentiments contrastés, du rejet, voire de la franche hostilité, à de l’intérêt, de l’attirance même. S’il y a dissimulation, pensent certains, c’est que l’objet est forcément important ;oui, mais, considèrent les autres, s’il est masqué, c’est qu’il y a peut-être tentative de tromperie et que l’objet n’est pas présentable.
La vie est affaire de symboles : ils se cachent parfois derrière des formes imprévues. Le renseignement n’échappe pas à la règle. C’est pour cela que le corbeau et la chouette nous serviront d’appuis et de références dans ce traité, auquel ils ont donné leur nom.
Longtemps, et pratiquement à toutes les époques et sous toutes les latitudes, l’activité de renseignement a été honnie, rejetée, déconsidérée. L’espion capturé était tué, sans rémission. Assimilé au traître, au fourbe, il n’avait aucune chance de s’en tirer. À l’inverse de la pure action militaire, dont les exploits ou la vaillance des acteurs étaient valorisés, loués, l’espionnage était mal vu. Le militaire agit en pleine clarté, l’espion se meut dans un monde inconnu, secret, donc forcément suspect. Le militaire qui meurt au combat est un héros ; l’espion qui disparaît, qui le connaît, le chante ?
Le secret s’applique à ce qui protège, doit être préservé, caché, enfoui dans l’ombre. Le renseignement devient alors le faisceau de lumière destiné à voir plus clairement dans l’obscurité. De fait, ce secret est si important dans le monde du renseignement que certains le considèrent comme la spécificité du renseignement et ce qui le distingue. Il intervient en effet à tous les niveaux du processus : celui du besoin de l’information, il s’agit alors de cacher besoins et intentions du décideur ; de sa recherche ; de son élaboration ; de l’usage qui en sera fait ; et de sa nature même.
— Bien connaître son objectif, tout en sachant dissimuler ses intentions, est le gage du succès pour l’officier de renseignement.
> Ne te dévoile jamais mais, toi, sois une éponge pour ton objectif.
Une information est un renseignement brut, un minerai mal dégrossi qu’il convient de polir et de dégager de sa gangue ; il s’agit de mettre au jour la pépite, du moins si elle existe... Ainsi les images satellitaires, inexploitables pour un profane – un peu comme les radios ou les scanners médicaux : elles doivent être soumises à l’œil attentif du spécialiste qui les interprétera ; pire, l’interprétation de l’amateur peut aboutir à des contresens et contre-vérités. Il en est ainsi pour toutes choses.
Connaître l’avenir a toujours été une des préoccupations majeures, si ce n’est l’obsession, de l’homme. Ah ! Comme il serait agréable d’être informé des événements à venir ! Dans sa quête de puissance, le bipède s’imagine ainsi qu’il pourrait influer sur le cours des choses et changer l’avenir – dans le sens de ses intérêts bien entendu. Mais qui peut prévoir l’avenir ? Les magiciens, les diseuses de bonne aventure, les visionnaires en tous genres ? Certains y croient, d’autres raillent...
Le corbeau aurait ainsi dû devenir un des symboles du renseignement. Pourtant, il n’en est rien. J’ai été frappé par son absence quasi totale dans les emblèmes ou logos des services de renseignement. À cela sans doute plusieurs raisons, à commencer par la mauvaise réputation – qu’il a pourtant longtemps partagée avec ceux-ci ! – transmise par les imagiers du Moyen Âge en Europe, due, en partie, à la faillite d’une mission, lorsque le corbeau de Noé ne l’informa pas de la fin du Déluge.