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Citation de coco4649


Brisures de temps


 Dans les villes, aucune horloge sur les façades, sur les
beffrois. Dans les intérieurs, aucune pendule. Aux poi-
gnets, aux chevilles, pas la moindres montre. Ce n'est pas
que les Baldéens les ignorent. Ils ont des mathématiques
féroces, ils connaissent les subtilités du calcul et le travail
d'orfèvre. Mais les montres, ils les rejettent et les refusent.
 Ces mécanismes anguleux, ces roues dentées, ces ancres,
cames et cliquets, ces cercles engrenés avec leurs cils de
métal bleu ne font, disent-ils, qu'émietter le fantôme du
temps.
 Pour eux le temps est une mer sensitive — un glisse-
ment de vagues et de suspens, une palpitation chan-
geante.
 On ne mesure dans les montres que l'étendue de son
désert. On y concasse minutieusement l'inertie d'un
sable, le sable indéfini de la disparition du temps.
 Le bruit d'une pendule les inquiète. On n'y entend,
disent-ils, que le crépitement minéral de la mort. Le
bruit de ce petit marteau inexorable qui cloue l'éternité
sur l'immensité de son vide, sur son indifférence, sur
son inanité fossile.
 À cette mécanique exacte du néant les Baldéens pré-
fèrent le temps ondulant, un temps qui se surprend parfois
lui-même par ses écarts, ses moments vagues, ses absences,
ses raccourcis.
 Un temps fluide, troué parfois de tremblements d'éter-
nité.
 Ici le temps a son enfance devant lui.

p.51-52
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