Michel Mourlet incarne une certaine tradition française et ces « mémoires » en témoignent. Exigeant quoique sentimental, il est un honnête homme pour qui la littérature, le théâtre et le cinéma forment un monde plus accompli que le monde, où les premiers éblouissements ne meurent jamais. Une vie débutée avant-guerre et marquée, dès l’adolescence, par l’indépendance et le dégoût d’une voie trop tracée. Une vie où les préférences et les amitiés seront choisies avec le c½ur plutôt qu’en suivant un plan de carrière gardé plié dans la veste. Les personnes rencontrées sur sa route, admirables ou décevantes, sont d’ailleurs d’une diversité étourdissante : Silvia Monfort, Sagan, Morand, Montherlant, Jean Marais, les cinéastes Fritz Lang, Losey, Gance, Tavernier et bien d’autres, amis de Michel Mourlet (ou relations moins amicales !), tous ont apporté leur eau au moulin de son existence.
Il y a une possession, une jouissance des mots, de leur sonorité, de leur configuration visuelle, une exigence (un désir) de la perfection expressive, une satisfaction du terme juste, une gourmandise de collectionneur, une curiosité et une connaissance de l’apparition des vocables, de leur formation, de leur évolution, de la justification des règles, qui habillent la parole d’une chair hors de laquelle elle n’est qu’un squelette, un code abstrait de signes transparents et vides.