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Citation de SZRAMOWO


Le mariage secret de François de Montmorency et de Jeanne de Piennes fut cassé par le pape. Les mémoires du temps font grand bruit de cet événement et disent que la chose n’alla pas sans de grandes difficultés que surmonta l’opiniâtre volonté d’Henri II.

En l’année 1558, François de Montmorency, maréchal des armées royales, épousa Diane de France, fille naturelle du roi. Quinze jours avant l’époque fixée pour la cérémonie, il alla trouver la princesse.

— Madame, lui dit-il, je ne sais quels sont vos sentiments à mon égard. Pardonnez-moi la franchise brutale de mon langage : je ne vous aime pas, et ne vous aimerai jamais…

La princesse écoutait en souriant.

— On nous marie, continua François. En acceptant l’insigne honneur de devenir votre époux, j’obéis au roi et au connétable, qui veulent cette union pour des raisons politiques ; mais le jour où Mgr l’archevêque bénira notre union, mon cœur sera absent de la cérémonie. Je vous offense, je le sais…

— Non pas, monsieur le maréchal, fit vivement Diane. Continuez donc, je vous prie, en toute loyauté…

— Si mon cœur était libre, dit alors François, il serait à vous ; car vous êtes belle parmi les plus belles. Mais…

— Mais votre cœur est à une autre ?…

— Non, madame ! Et je me suis mal exprimé : mon cœur est mort, voilà tout !… Et si moi-même je vis encore, ce n’est pas faute d’avoir ardemment cherché la mort sur les champs de bataille…

Ses yeux s’obscurcirent. Et avec un sourire navrant, il ajouta :

— Il paraît qu’elle ne veut pas de moi… Voici donc, madame et princesse, la vérité tout entière, si cruelle qu’elle soit à dire pour moi : notre mariage ne peut-être que l’union de deux noms. Si l’amitié la plus fidèle et la plus ardente, si une affection fraternelle de tous les instants, si un dévouement aveugle peuvent balancer l’absence d’amour, je vous offre humblement cette amitié et ce dévouement… Maintenant, madame, que je vous ai parlé avec toute la sincérité d’une loyauté que nul jusqu’ici n’a pu suspecter, j’attends votre décision…

Diane se leva.

C’était une grande belle femme qui ne manquait ni de cœur ni d’esprit.

— Monsieur le maréchal, dit-elle doucement, venant de tout autre que vous, une pareille franchise m’eût en effet offensée. Mais à vous, monsieur, je pardonne tout… Obéissons donc au vœu du roi, et gardons chacun notre cœur. C’est bien ainsi que vous l’entendez ?…

— Madame…, murmura François en pâlissant… car peut-être avait-il espéré une autre réponse.

— Allez, monsieur le maréchal. Je respecterai le deuil de votre cœur…

Et comme il s’inclinait en baisant la main de la princesse, avec un sourire mélancolique, elle ajouta :

— Maître Ambroise Paré prétend que j’ai d’étonnantes dispositions pour la médecine… Qui sait si je n’arriverai pas à vous guérir ?…

C’est ainsi que fut conclu le pacte.

Après la cérémonie, François se lança à corps perdu dans une série de dangereuses campagnes ; mais, comme il l’avait dit, il paraît que la mort ne voulait pas de lui.

Quant à Henri, il ne revit pas son aîné. On eût dit, d’ailleurs, que les deux frères cherchaient à s’éviter. Quand l’un guerroyait dans le Nord, l’autre se trouvait dans le Midi.

Le jour de la rencontre devait pourtant venir, et de terribles drames se préparaient pour ce jour-là…

Car les deux frères aimaient toujours.

Ils aimaient la même femme — maintenant disparue — sans qu’aucun d’eux, malgré des recherches ardentes, eût jamais pu la retrouver.
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