AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Partemps


TRIPTYQUE POUR LE PERE MORT

1
« Continuons d'œuvrer »

Dans la lumière crue d'une chambre d'hôpital, brûler au chevet du père mourant. Se souvenir qu'au sortir du coma, il avait des sourires de bébé d'une douceur qui n'existe que chez Schubert. Tandis qu il agonise, être saisie par le contraste entre la tension de la bouche grande ouverte, tordue sur le visage en sueur, et le calme des mains, qui reposent sans peser, en paix sur les draps gonflés par la respiration ventrale. Ecouter le médecin répéter que l'hémorragie a fait tripler de volume le cerveau. Découvrir qu'il y a le mot « rien » dans le prénom du père « Adrien ». Ouvrir de nouvelles portes de douleur à l'intérieur de soi. Etre frappée par l'inutilité de la montre au poignet gauche du mourant. Sortir pour vomir, puis pour manger.
Au retour, le trouver mort: avec la même inquiétude dans les plis de la bouche et la même sérénité dans la pose délicate des mains. Se demander qui de la bouche ou des mains dit la vérité sur la mort. Craindre qu'une mouche ne s'engouffre dans la bouche béante. S'apercevoir soudain que la montre au poignet du mort a disparu. Deviner que quelqu'un a volé la montre, alors que le père était mourant ou déjà mort. Un voleur sordide? Ou un voleur généreux, venu couper le cordon ombilical qui reliait encore le mort au temps?
A voix très basse et un peu tremblante, pendant que le corps commence à se rigidifier, de plus en plus jaunâtre et froid, psalmodier par cœur, sans que les larmes ne caillent dans les yeux, la lettre de Goethe à Zelter du 19 mars 1827: « Continuons d'oeuvrer. La pensée de la mort me laisse parfaitement calme, car j'ai la ferme conviction que notre esprit est une substance de nature tout à fait indestructible, qui continue d'œuvrer d'éternité en éternité. » Entendre l'entrechoquement dans le crâne du doute et de l'espoir, comme deux percussions que l'on heurte l'une contre autre avec violence puis qui vibrent à l’infini avant de retourner au silence. Comprendre que peu importe qui l’emporte du doute ou de l’espoir, si nous « continuons d’œuvrer ».
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}