NOUS? est un évènement unique de prise de parole, de réflexion sur l'état du Québec, sa démocratie, tenu le 7 avril dernier.
Speak white
Speak white
il est si beau de vous entendre
parler de Paradise Lost
ou du profil gracieux et anonyme qui tremble dans les sonnets de Shakespeare
nous sommes un peuple inculte et bègue
mais ne sommes pas sourds au génie d'une langue
parlez avec l'accent de Milton et Byron et Shelley et Keats
speak white
et pardonnez-nous de n'avoir pour réponse
que les chants rauques de nos ancêtres
et le chagrin de Nelligan
speak white
parlez de choses et d'autres
parlez-nous de la Grande Charte
ou du monument à Lincoln
du charme gris de la Tamise
de l'eau rose du Potomac
parlez-nous de vos traditions
nous sommes un peuple peu brillant
mais fort capable d'apprécier
toute l'importance des crumpets
ou du Boston Tea Party
mais quand vous really speak white
quand vous get down to brass tacks
pour parler du gracious living
et parler du standard de vie
et de la Grande Société
un peu plus fort alors speak white
haussez vos voix de contremaîtres
nous sommes un peu durs d'oreille
nous vivons trop près des machines
et n'entendons que notre souffle au-dessus des outils
speak white and loud
qu'on vous entende
de Saint-Henri à Saint-Domingue
oui quelle admirable langue
pour embaucher
donner des ordres
fixer l'heure de la mort à l'ouvrage
et de la pause qui rafraîchit
et ravigote le dollar
speak white
tell us that God is a great big shot
and that we're paid to trust him
speak white
parlez-nous production profits et pourcentages
speak white
c'est une langue riche
pour acheter
mais pour se vendre
mais pour se vendre à perte d'âme
mais pour se vendre
ah !
speak white
big deal
mais pour vous dire
l'éternité d'un jour de grève
pour raconter
une vie de peuple-concierge
mais pour rentrer chez nous le soir
à l'heure où le soleil s'en vient crever au-dessus des ruelles
mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
chaque jour de nos vies à l'est de vos empires
rien ne vaut une langue à jurons
notre parlure pas très propre
tachée de cambouis et d'huile
speak white
soyez à l'aise dans vos mots
nous sommes un peuple rancunier
mais ne reprochons à personne
d'avoir le monopole
de la correction de langage
dans la langue douce de Shakespeare
avec l'accent de Longfellow
parlez un français pur et atrocement blanc
comme au Viêt-Nam au Congo
parlez un allemand impeccable
une étoile jaune entre les dents
parlez russe parlez rappel à l'ordre parlez répression
speak white
c'est une langue universelle
nous sommes nés pour la comprendre
avec ses mots lacrymogènes
avec ses mots matraques
speak white
tell us again about Freedom and Democracy
nous savons que liberté est un mot noir
comme la misère est nègre
et comme le sang se mêle à la poussière des rues d'Alger ou de Little Rock
speak white
de Westminster à Washington relayez-vous
speak white comme à Wall Street
white comme à Watts
be civilized
et comprenez notre parler de circonstance
quand vous nous demandez poliment
how do you do
et nous entendez vous répondre
we're doing all right
we're doing fine
we
are not alone
nous savons
que nous ne sommes pas seuls.
SPEAK WHITE
Speak white1
il est si beau de vous entendre
parler de Paradise Lost
ou du profil gracieux et anonyme qui tremble
dans les sonnets de Shakespeare
nous sommes un peuple inculte et bègue
mais ne sommes pas sourds au génie d’une langue
parlez avec l’accent de Milton et Byron et Shelley et Keats
speak white
et pardonnez-nous de n’avoir pour réponse
que les chants rauques de nos ancêtres
et le chagrin de Nelligan
speak white
parlez de choses et d’autres
parlez-nous de la Grande Charte
ou du monument à Lincoln
du charme gris de la Tamise
De l’eau rose de la Potomac
parlez-nous de vos traditions
nous sommes un peuple peu brillant
mais fort capable d’apprécier
toute l’importance des crumpets
ou du Boston Tea Party
mais quand vous really speak white
quand vous get down to brass tacks
pour parler du gracious living
et parler du standard de vie
et de la Grande Société
un peu plus fort alors speak white
haussez vos voix de contremaîtres
nous sommes un peu durs d’oreille
nous vivons trop près des machines
et n’entendons que notre souffle au-dessus des outils
speak white and loud
qu’on vous entende
de Saint-Henri à Saint-Domingue
oui quelle admirable langue
pour embaucher
donner des ordres
fixer l’heure de la mort à l’ouvrage
et de la pause qui rafraîchit
et ravigote le dollar
speak white
tell us that God is a great big shot
and that we’re paid to trust him
speak white
parlez-nous production profits et pourcentages
speak white
c’est une langue riche
pour acheter
mais pour se vendre
mais pour se vendre à perte d’âme
mais pour se vendre
ah! speak white
big deal
mais pour vous dire
l’éternité d’un jour de grève
pour raconter
l’histoire de peuple-concierge
mais pour rentrer chez-nous le soir
à l’heure où le soleil s’en vient crever au dessus des ruelles
mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
chaque jour de nos vies à l’est de vos empires
rien ne vaut une langue à jurons
notre parlure pas très propre
tachée de cambouis et d’huile
speak white
soyez à l’aise dans vos mots
nous sommes un peuple rancunier
mais ne reprochons à personne
d’avoir le monopole
de la correction de langage
dans la langue douce de Shakespeare
avec l’accent de Longfellow
parlez un français pur et atrocement blanc
comme au Vietnam au Congo
parlez un allemand impeccable
une étoile jaune entre les dents
parlez russe parlez rappel à l’ordre parlez répression
speak white
c’est une langue universelle
nous sommes nés pour la comprendre
avec ses mots lacrymogènes
avec ses mots matraques
speak white
tell us again about Freedom and Democracy
nous savons que liberté est un mot noir
comme la misère est nègre
et comme le sang se mêle à la poussière des rues d’Alger ou de Little Rock
speak white
de Westminster à Washington relayez-vous
speak white comme à Wall Street
white comme à Watts
be civilized
et comprenez notre parler de circonstance
quand vous nous demandez poliment
how do you do
et nous entendez vous répondre
we’re doing all right
we’re doing fine
We are not alone
nous savons
que nous ne sommes pas seuls.
Je suis du pays perdu et passé sous silence dont la légende dit qu'il n'est pas de ce monde. Les géographe n'en font mention que pour l'annexer à la solitude glacée du pôle. La neige et le vent rigoureux de l'histoire l'on depuis longtemps balayé de la carte son nom figure pourtant dans les accords passés sur le dos des petits peuples.
Vous le trouverez dans les archives de quelque colonial office entre la peau parcheminée d'un oriental pris par surprise et celle d'un africain sans défense. Vous le trouverez mentionné dans les actes de cession et les traités dits de paix et la paperasse confidentielle échangée entre princes de même sang froid. Vous le trouverez écrit en caractères gras sur les permis d'exploitation minière et forestière et les factures impayées de l'impérialisme.
Vous l'entendrez aussi de la bouche noire des fusils qui se prononcent à intervalles contre nous . Je suis de la nation renvoyée à une note en bas de page dans les annales des insurrections bien matées. Je suis de la nation dont nul se souvient à qui pourtant reproche est fait de se rappeler qu'elle existe. Je suis de la nation qui a mémoire pour devise et lieux désgné d'exil.
Je suis de la nation têtue qui bat pavillion désuet au-dessus du silence, qui n'a de patrie que son franc parler, sa difficulté même son accent nostalgique et si pittoresque un peu pathétique. Je suis historique à grand-peine parlant en vérité très singulier discours populaire éclatant privément en hoquets et sanglots bien particuliers chacun pour soi son poème collectf imparfait laissé en souffrance en instance de je disais-je suis du pays qui n'en est pas un...
J’ai la singulière habitude de pavoiser mes phrases. J’adore les violentes couleurs qui s’agitent dans nos têtes de canucks. Je ne suis pas un poète assez délicat pour passer mon histoire sous silence. Je vous fais savoir à tous que je suis née cent ans jour pour jour après l’assassinat du petit guérillero qui saigne dans vos mémoires. C’est pourquoi je ne suis qu’un poète de circonstance et rien de plus. Quand le mot liberté ressuscite sur vos lèvres. J’insiste sur la nécessité de célébrer l’évènement. J’ai fait mienne l’éclatante rhétorique des étendards populaires. J’admire ouvertement la prédilection des femmes du pays pour les couleurs très vives et le génie politique du dé à coudre dans l’assemblage des grandes courtes-pointes tricolores qui passent à l’histoire. Vert, Blanc, Rouge l’héroïque poème à trois strophes me tient lieu de tradition littéraire. J’y appose de fil en aiguille l’étoile de CALICO des Révolutions à parfaire et le cite par cœur avec orgueil à ma postérité.
* Tout signe conventionnel de reconnaissance entre gens de même conscience est synthèse d’un discours collectif *
J’affirme ici noir sur blanc : Les plus beaux textes de toutes les littératures sont composés de pièces d’étoffe très voyante et claire cousues en grande hâte par une main de femme amoureuse de liberté. Ce sont en toutes langues chefs-d’œuvre d’expression hardie reconnaissables à leur exemplaire concision et aux petites cicatrices laissées par la riposte des fusils.
Je répète : * Tout signe conventionnel de reconnaissance entre gens de même conscience est synthèse d’un discours collectif *
Il convient parfois d’observer le signifiant de très près. À première lecture certains pavillons épèlent un contre sens. Il y’a lieu de noter par exemple à propos du rectangle bleu et blanc qui s’agite dans ma cervelle. Qu’il ne tient dans son éloquence officielle aucun discours politique. Il ne commande ni même ne propose ou n’incite. Il rappelle tout bonnement les origines d’un peuple jadis soumis aux ordres des dynasties Valoise et Bourbonne sous le pieux signe de croix de l’ambition occidentale. C’est un texte essentiellement littéraire du genre narratif. ) Il y’a quelque embarras pour une nation à faire avancer un projet de libération sous une telle héraldique. J’y aperçois un avantage : L’intention révolutionnaire de la phrase n’est pas orgueilleusement déclarée. Seule une lecture dynamique et de jour en jour créatrice de sens l’oblige à s’expliciter, aussi ai-je l’us et coutume de me tenir à l’attention tandis qu’on déploie la précieuse soie, guettant le moindre souffle de poésie populaire dans l’antique syntaxe impériale honorant son humour et les changements de ton du bleu franc en mouvement.
entre le monde et nous rien que la paroi transparente de nos paupières closes