Au moment où vous faisiez la guerre, ici ils étaient pas d'accord non plus. Les Galiciens étaient avec Franco, les Asturiens avec la République.
- Et les Basques?
- Les Basques, ils s'occupent que d'eux. L'essentiel pour eux, c'est d'avoir un fronton et une rôtissoire.
Il y avait à la même partie George Raft, l'acteur américain photographié sur la façade et l'auteur de l'une de mes phrases préférées: "Un mot de plus et je te mettrai un piano en écharpe autour du cou". Raft était bien accompagné, escorté par deux nanas du tonnerre.
- Vous êtes galicien, pas vrai? m'a-t-il demandé depuis la porte.
Si j'avais eu l'intention de répondre à cette manie des Cubains de traiter tous les Espagnols de Galiciens, il ne m'en aurait pas laissé le temps car il a poursuivi:
- Je le sais parce que la première chose que regardent les Galiciens, c'est la fenêtre, pour calculer la clarté du matin. A chacun ses manies: les Américains sont obsédés par la ventilation, les Mexicains tâtent toujours le matelas, les Vénézuéliens ouvrent les robinets... Le Cubain est fouille-merde:avant toute chose, il voit s'il y a des fenêtres en face, pour zyeuter les femmes la nuit.
Rends-toi compte qu'à cette époque les Yankees étaient en pleine guerre contre l'Allemagne et le Japon, et le gouvernement était préoccupé, semble-t-il, par des sabotages sur les quais de la côte Est et l'infiltration nazie parmi les dockers. Il avait besoin de la collaboration des syndicats. (...)
- Et c'était la Maffia qui contrôlait les syndicats. ils lui ont proposé un accord, connu sous le nom de code d' "Opération Malavita", et Lucky Luciano a été le premier à en bénéficier. On l'a transféré au pénitentier d'Albany, avec un régime beaucoup plus doux. L'accord a marché et on l'a élargi à l'Europe; c'est pourquoi la Maffia sicilienne a facilité le débarquement allié. Dès que la guerre a été finie, Luciano a été mis en liberté sous caution et on l'a expédié en Sicile.