En science, comme en art, en confection, il y a des modes et des tabous. Au sein d'un troupeau qui dit, pense et défend les mêmes valeurs, les mêmes arguments, la pensée s'émousse.
L'objectivité et l'honnêteté intellectuelle des expérimentateurs ont largement payé. C'est à elles seules que nous devons une somme considérable de connaissances qui demeureront disponibles pour rebâtir nos théories, même si leurs interprétations demandent souvent à être reconsidérées.Il ne faudrait pas qu'un tel succès, parce qu'il a outrepassé l'imaginable, nous amène à admettre qu'on peut continuer avec le même état d'esprit.Sachant que ces résultats risquent d'être occultés,voire déformés, pour satisfaire aux exigences du raisonnement préfabriqué d'un théoricien, soupçonnant les concepts auxquels il est tenu de se référer d'avoir été faussés à des fins idéologiques, l'expérimentateur de demain sera-t-il encore assez motivé pour rester objectif?
Pour le scientifique, la liberté de pensée est essentielle.Les grands instituts qui concentrent à l' excès les scientifiques dans des départements tendent à les priver de cette liberté tout à fait nécessaire à l' originalité de pensée sans laquelle il n'y a pas de créativité possible.L'effet-frein de certains patrons sur l'émancipation intellectuelle des jeunes chercheurs a été maintes fois démontré et dénoncé. Rien pourtant, dans la politique scientifique, ne vient enrayer cette tendance. Au contraire, les organismes de recherche, CNRS,INSERM, sont atteints de gigantisme et de dirigisme.
Lorsqu'on est confronté à un travail que 1' on ignore, il est plus facile de le rejeter avec dédain - ce qui n'implique ni de comprendre ni de reconnaître qu'on ne comprend pas - que de devoir le considérer et faire un effort objectif d'évaluation. Mais le plus triste, le plus frustrant est que beaucoup de jeunes scientifiques pensent d'abord- ou seulement- à faire carrière, à se hisser socialement. Pour y parvenir,ils sont prêts à tout : aucune concession ou impudeur ne les entrave. Couleuvres et crapauds sont stoïquement avalés, sans broncher, au nom de leur « brillant avenir».
On confie femme, parents et soi-même à des médecins généralistes. On pourrait bien aussi leur confier le soin de juger objectivement les progrès de malades qu'ils suivent et connaissent bien, contrairement à ce qui se passe dans les hôpitaux, ainsi que le soin de porter sur un médicament donné, reconnu sans effets toxiques, un jugement objectif de préférence au jugement mercenaire d'un expert dont le nom est tenu secret.L'émulation, la compétitivité pour mettre au point les produits les plus performants sont tuées par ces innombrables réseaux d'intérêts.
La science marche. Lentement, trop lentement en regard des souffrances et des angoisses, mais certains changent de mentalité et, de gré ou de force, il faudra
bien s'y adapter, briser les entraves et résoudre les problèmes.
Qu'on supprime les crédits à un chercheur, qu'on le calomnie (calomniez ! calomniez ! il en restera toujours quelque chose), qu'on dise à des industries pharmaceutiques que si elles s'intéressent à développer les travaux de ce chercheur, on leur coupera tout leur marché, qu'on sème le désordre entre placebo' et produit dans une expertise (qui le saura?) ... et toute une vie de recherche, de travail est annihilée. Le bien qu'on peut en attendre aussi. Rien, en fait, ne protège le chercheur libre contre toutes ces manipulations.
Du reste, quand une réalité de la vie est mise en évidence, elle semble, à ceux qui l' ont bien assimilée, d'une évidence troublante. L'affirmation de Galilée : « La terre est ronde et pourtant les mers ne tombent pas », faisait rire de mépris ses détracteurs.Pourtant cela semble aujourd'hui évident à l'enfant qui baigne dans une autre atmosphère. De même, le combat contre le concept de la génération spontanée de la vie fut, en son temps, un très violent combat d'idées, avec des invectives comme arguments scientifiques.
Il y a des gens dont l'appartenance au système est plus forte que l'instinct de survie ou de famille. Il y a ceux qui osent et ceux qui ont peur : faune illogique,empêtrée dans des tabous, des idées arbitraires, préconçues,faune généreuse, reconnaissante, faune lâche, disparaissant dès la guérison achevée, sans un mot, sans un regard, sans souci des autres malades, faune promettant la lune et le soleil et ne disant pas même merci ou,au contraire, gens solidaires, responsables, soucieux d'aider les autres.
Toujours, dans notre beau pays, on s'attire des ennuis dès que l'on veut anticiper,améliorer ou bien même innover hors des sentiers battus.
Et cependant, comme nous étions heureux, à cette époque ! Un monde meilleur semblait s'ouvrir à nous et nous avions 1' immense joie de participer à cet avènement par la conception et par la réalisation concrète d'un médicament protecteur, sauveur de bonnes cellules ! Y a t-il plus grand bonheur dans la vie d'un chercheur?