Je laisse parler mon corps. Le voilà plus délié, les modulations de ses muscles et de ses os se sont affinées. J’ai été à rude école, mais de cette rudesse même ont surgi en moi des nuances inédites, une maîtrise que je ne soupçonnais pas. J’entends certes ma voix de soprano pépier au sujet d’une femme cultivée du xive siècle, mais c’est une voix de basse qui se charge de conclure les phrases : on croirait qu’une ligne mélodique court de mes hanches à mon cou, des signes tacites (des syllabes non voisées), subtils, presque imperceptibles, se multiplient, telle la façon dont la langue vient heurter l’arrière des dents ou le palais.
Je serais décidément mieux chez moi avec un bon livre… Mais entre-temps, la pièce s’était remplie, il m’aurait fallu bousculer beaucoup de monde pour quitter les lieux. Le film SM a commencé. Un mauvais film, qui empestait l’amateurisme. Les spectateurs se sont mis à le huer. Ces quolibets m’ont meurtri, car sur l’écran je discernais aussi de la passion – une passion peut-être gauche et dénuée d’élégance, mais sincère.
Elle possède des yeux aux tons changeants, cernés d’ombres. Elle échange avec l’homme un sourire troublé, vaguement ironique : comment diable vont-ils se dépêtrer de cette situation ridicule ? Soulagée par l’arrivée du serveur, la fille lui commande un kir dans un français parfait. Un kir.