À 104 ans, Mlle Ona Vitkus pensait en avoir fini avec les sentiments. Mais l?arrivée dans sa vie si ordonnée d?un jeune garçon pas comme les autres va tout chambouler.
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© Denebmedia for Sperling & Kupfer
Tu entends ça ? lui a dit un jour son père à propos des notes fantômes d'Eric Chapman. C'est comme si quelque chose surgissait de la mer. C'est à te couper le souffle.
Il a le souffle court, ses bras fatiguent, mais il tient le dictaphone bien haut, déterminé à tenir jusqu'à la dernière boucle de la bande. C'est le grand finale, le chorus matinal qu'il va apporter à son père qui possède une machine magique avec des boutons et des lumières. Dieu ne peut commander aux oiseaux de chanter plus bas, son père, oui.
Il demandera ça à son père, qui se dira : Tu n'es pas foutu de jouer un accord, qu'est-ce que tu peux bien comprendre aux variations de tonalités ?
J'ai écouté, lui répondra-t-il, et son père comprendra combien il s'est appliqué ; combien il a observé avec attention ; combien il a essayé. Il dira à son père que le chorus matinal est comme quelque chose qui surgit du souffle qu'il emporte avec lui.
p.393
Il n'était pas un rêveur, quoi que puisse en penser Ona. Il était un besogneux. Un besogneux qui aimait la musique. Toutes les musiques : les sublimes trouvailles de ses idoles, oui, mais aussi les folksongs toutes simples, le glam metal, le blues du Mississippi, les chansons religieuses, le jazz manouche, les big bands, le rock, la macarena, la danse des canards, la chenille qui redémarre. Il aimait la musique d'un amour accablant, irrationnel et sans concession ; la musique - la pire comme la meilleure - était pareille à un enfant sur lequel il devait veiller.
p.340
"J'ai été un très mauvais père."
Ona hocha la tête et dit sur un ton neutre : "Il y a pire.
- Comme quoi ?" Il voulait vraiment le savoir.
"Etre une mère juste passable, répondit-elle en avalant une gorgée de café. De mauvais pères, on en trouve à la pelle, sans même y prêter attention. Peu importe quel genre de père vous avez été - et je suis sûre que vous n'avez pas été si mauvais que vous le pensez -, vous avez sûrement fait de votre mieux, on ne demande pas plus à un homme.
p.231
Les gens d'aujourd'hui ne savent pas où ils en sont. Jamais au bon endroit, où qu'ils soient.
p.199
Elles étaient comme Louise, ces femmes : des personnes énergiques qui se complaisaient dans les situations de crise, qui se dressaient sans réfléchir contre l'outrage, qui prodiguaient des trésors d'affection au moment où on l'attendait le moins.
p.296
elle avait l'impression de parler avec un garçon qu'elle aurait pu connaître quand elle avait onze ans. [...] Il y avait quelque chose de vaguement étrange chez lui, qui lui donnait l'air d'un visiteur d'un autre temps et d'un autre monde.
p.35
Elle ressentait maintenant une peine sincère d'avoir perdu tous ces oiseaux, dont les notes flûtées échappaient pour de bon au nid décrépit de son oreille.
p.37
Ona ne savait pas comment se comporter avec les personnes fragiles ; elle avait passé le plus clair de sa vie entourée de brutes.
p.211
Elle lui remit les clés, puis garda sa main sur la sienne, comme si elle venait de lui confier les clés de son coeur.
p.302
《 Ona, comment était-il ?
- Qui ? 》
Quinn ne répondit pas.
《 Je ne l'ai pas connu assez longtemps, dit-elle tout bas. Mais je peux vous dire comment je me sentais en sa compagnie. 》
Il patienta un moment: 《 Comment ?
- Une rêveuse 》, dit-elle. Ses yeux brillaient entre les rides.