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Citation de letilleul


Sam glissa la bombe de peinture dans la besace sanglée contre sa hanche et inspira à pleins poumons. Les effluves de diluant s’étaient évaporés dans l’air frais de la nuit. Le graff était terminé. Agrippé à dix mètres de hauteur sur la façade de l’immeuble parisien qu’il avait choisi en guise de toile, le jeune homme était incapable de juger visuellement du résultat, mais les signes qu’il ressentait ne le trompaient pas. La respiration qui s’accélère, cette fébrilité qui télégraphe en morse dans sa poitrine, le mélange d’envie de rire et de pleurer, autant de sensations qui accompagnaient l’excitation d’un graff réussi. Il leva les yeux en l’air, suivant mentalement le chemin à parcourir avant d’atteindre le toit : longer la corniche, grimper le long de la gouttière, franchir le chéneau en surplomb.
Sam devait se calmer avant de reprendre l’ascension. Sans baudrier ni corde, Sa concentration et sa dextérité constituait ses seules alliées pour éviter la chute. Plus haut, le ciel était grisâtre, de cette couleur de nuit salie par le halo lumineux de la ville. Seules les étoiles les plus brillantes s’y détachaient tandis que les autres, plus lointaines, plus anciennes, mortes déjà peut-être, étaient éclipsées par l’armée de néons et de leds nichés dans les lampadaires. Les doigts de Sam se glissèrent dans une jointure entre deux pierres de taille. En moins de deux minutes, le garçon avait escaladé le dernier étage du bâtiment, là où s’alignaient les fenêtres des chambres de bonnes qui hébergeaient désormais des étudiants. Nul ne remarqua le grimpeur clandestin qui prit pied sur le toit de zinc. Le garçon à la peau noire s’était vêtu d’un jogging anthracite pour ne pas se faire repérer. La démarche fluide, il avança jusqu’à la lucarne d’un couloir qui desservait les clapiers de 9m² - wc sur le palier. Elle n’était pas verrouillée. Il dévala les sept étages par l’escalier de service, traversa une cour pavée et sortit par une imposante porte cochère. Pauvres habitants qui pensaient se tenir à l’abri du danger en barricadant l’entrée de leur immeuble !
Sam s’éloigna d’une centaine de mètres sur le trottoir.
Le moment était venu de regarder.
Les deux tigres lui sautèrent au visage.
Lorsqu’un dessin prend vie au premier regard jeté, alors l’artiste a réussi son pari : concentrer en quelques traits assez d’énergie et d’émotion pour en faire un miroir tendu aux vivants. Depuis leur grand pan de mur, le couple de tigres, muscles ramassés, semblait prêt à sauter au-dessus de la rue pour se mettre en chasse sur les toits de Paris.
Sam chuchota avec un sourire :
— Il est pour toi, Gabrielle.
Sa montre indiquait quatre heures. Il se mit en route. Le temps de regagner son clapier, il lui resterait six heures de sommeil avant de pousser la porte du commissariat.
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