Langue maternelle, langue virile, je déclare vouloir danser avec toi. Guide-moi, tiens-moi debout, renverse-moi. Oriente-moi de tes mouvements souples et musclés. Je suis capable de faire les mêmes à reculons et en talons hauts.
Je peux te suivre, je peux te précéder. Tes pressions discrètes sur mon corps amoureux, je les comprendrai, nous ferons un beau couple. Moi en robe rose, luisante de sueur sur la piste de danse. Toi souple et musclée, luisante de bave comme un escargot, rose.
Nous danserons français toutes les deux, nous ferons un sacré couple.
Nous attendons tellement le printemps,
on n’imagine pas qu’on puisse un jour regretter l’hiver, cette dureté.
l’hiver semble être pour toujours
seule saison entre gel et pourriture
et il n’y a que des pots vides sur les étagères du cellier
pas de confitures
« grand-mère où es-tu ? »,
demande pour toujours la petite fille aux allumettes
et mon cœur se brise
Il y a des jours où ça me prend
la poésie !
l’envie d’écrire un poème
envie envie envie
je suis là
j’attends des mots un rythme
j’attends un signe du monde,
monde !
indique-moi donc ça,
je suis là, je cherche
dedans, dehors,
où est le signe
il doit bien y en avoir un
un son
un souvenir de rêve
un mouvement…
j’attends dans le monde le signe,
comme la sainte dans sa cellule attend son ange
ou comme l’enfant sur son pot attend que ça sorte
c’est sûr ce n’est pas la même chose
si ça vient de l’ange ou de l’intestin !
extase ou déjection m’en fous,
je veux juste un poème,
que ça monte ou que ça descende
Un Indien, c’est quelqu’un qui sait
que le monde touche à sa fin.
Quelqu’un qui a tout perdu, qui sait
les grandes épidémies,
les hécatombes d’animaux,
les mots de la langue devenus cadavres.
C’est quelqu’un que personne n’a écouté.
Et pourtant, elle n’a jamais cessé de chanter.
Est-ce la destruction annoncée
qui passe au loin si bas dans le ciel ?
La terre n’est pas ferme
mais je continue à marcher.
laisse moi errer à la surface
de toi je veux juste une place
où déposer mes yeux et continuer
ne plus rien voir jusqu'à m'atténuer
Les lettres qu’on marie pour faire des poèmes sont des
arbres avec des racines qu’on ignore mais que, trébuchant
parfois lorsqu’elles percent un peu la terre, les pieds peuvent
le mieux sentir, des arbres qui servent d’abri aux fougères
et aux champignons avec du lierre qui monte et des
clématites qui pendent et chacun une odeur différente,
mais l’ensemble c’est l’odeur des bois où nos passages fraient des voix.
La lune ne chauffe rien
mais l’hiver envoie des anges
qui nous plaignent avec un accent irlandais
nous mangeons les châtaignes et les conserves de haricots
les crêpes et les confitures de grand-mère
le feu brûle toute la journée dans les maisons
l’hiver nous envoie un regard de bon chien
les promenades que nous faisons
c’est pour la dureté des flaques
comme des bouts de lune tombés
on fracasse les flaques