Avant l'Occupation, leurs esprits étaient déjà assiégés. Ils étaient fous, déments, hystériques. C'était eux, que les autres regardaient de loin en riant ou s'écartant de leur chemin, qu'on montrait du doigt, critiquant leur laisser-aller, bande d'assistés de la société, je te les mettrais bien au boulot moi ceux-là, ainsi de suite, les commentaires…
Lorette, Marcel, Violaine subsistent, chacun pour une raison différente, une chance inouïe. Mais les autres restent couchés. Ils délirent à l'horizontale. Crèvent de la faim. Dans le méchant froid. Le silence du manque de tout.
Affamer la folie. Il fallait y penser. La réduire au silence, avant de la rayer.
Parfois, j'ai des images en tête. Ou alors je ressens quelques chose. Mais je ne sais pas quoi. C'est à dire que je sens, je vois un peu, mais il n'y a pas de mots pour le dire, l'expliquer à maman ou à vous. Et ça, ça me fait peur aussi, de ne pas pouvoir dire, parce que c'est ça, d'être seule, vous comprenez ?