AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Cielvariable


Ce n'était pas seulement sur le choix d'un nom que je butais ; c'était aussi sur l'immense question de savoir qui devenir. Dans quel personnage de femme me cacher à présent ? Une Mary, une Susan ? À mourir d'ennui. Las ! les prénoms floraux que j'affectionnais, comme Rosemary, emblème du souvenir, ou Violet, symbole de discrétion, étaient hors de question. Sherlock avait découvert que nous communiquions au moyen d'un code floral, Mère et moi, et la moindre fleurette risquait donc d'attirer son attention.

Je ne pouvais pas non plus recourir à mes deuxième ou troisième prénom - car j'en avais mon quota, bien sûr, comme tout personne bien née. Enola Eudoria Hadassah Holmes, voilà comment j'étais pour l'état civil. Enola E. H. Holmes. E.E.H.H. Eehh ! (Mon état d'esprit du moment). Mais Hadassah était le prénom d'une sœur de mon père décédée, et Sherlock l'aurait donc immédiatement repéré. Quant à Eudoria, bien pis, c'était le prénom usuel de notre mère. Autant clamer : "C'est moi, je suis là !"

De toute manière, je ne tenais pas à resserrer les liens avec ma mère.

En étais-je bien certaine ?

Oh ! la barbe à la fin. J'étais libre, non ? Comme pour le prouver, ma main griffonna :

Violet Vernet

Ce qui ne m'avançait à rien. Vernet était le nom de jeune fille de notre mère; autant dire, pour Sherlock, un véritable signal en rouge.

Inversé, peut-être ?

Tenrev

Non. Et en jouant sur les lettres, alors ?

Netver
Never
Every
Ever

À jamais quoi ?
À jamais seule ?
À jamais abandonnée ?
À jamais indomptée, décidais-je. À jamais résolue à rester... qui j'étais. Insoumise. Idéaliste. Mais surtout spécialiste en recherches, toutes disparitions.

Idée ! Pour avancer dans cette voie, pour avoir vent des nouvelles avant même leur parution, pourquoi ne pas essayer de trouver un emploi de bureau dans quelque publication de Fleet Street ?

À cette seconde, comme par hasard, j'entendis le pas de tortue de ma logeuse montant l'escalier.

" Miss Meshle, vos journaux ! " mugit-elle bientôt, avant même d'avoir atteint le palier. [...]

" Merci, Mrs Tupper."

Elle ne m'entendait pas, bien sûr, mais elle lisait sur mes lèvres et y voyait, je l’espérais, quelque chose qui se voulait un sourire.

Je pris les journaux de ses mains, m'attendant à la voir tourner les talons. Mais elle redressa bien droit sa frêle silhouette un peu voutée, posa sur moi son regard embué et déclara de ce ton de bravade qu'on prend pour accomplir son Devoir Moral :

" Miss Meshle ! C'est pas bon pour la santé, vous savez, de rester enfermée comme ça ! Ce qui vous est arrivé, je n'en sais rien et ça ne me regarde pas, mais ce n'est sûrement pas une raison pour rester entre quatre murs comme ça. Avec le beau soleil et le printemps qu'est dans l'air, moi, je vous dis : mettez vot' chapeau et allez donc marcher un peu, prend' un peu d'exercice... "

Ou du moins est-ce le discours qu'elle dut me tenir en substance. La vérité est que je n'écoutais guère, et je suis au regret d'ajouter que je lui refermai la porte au nez avec plus ou moins de délicatesse, toute mon attention neutralisée par un titre du Daily Telegraph :

MYSTÉRIEUSE DISPARITION
DE L’ASSOCIÉ DE M. SHERLOCK HOLMES
- LE DR WATSON INTROUVABLE
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}