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Citation de Tempsdelecture


Quelques années plus tard, ce fut au tour de son associé de partir. L’écrivain qu’il était ne pouvait plus se faire publier. Les censeurs refusaient catégoriquement ses manuscrits. Aucun n’obtenait l’autorisation de publication. Il décida de quitter le pays avant que la décision de quitter la vie ne s’impose. Mon père lu donna sa part pour qu’il puisse s’installer à l’étranger. On savait tous qu’à l’étranger, il ne serait plus le même écrivain. La procédure suit un ancien schéma. Mon père le savait, et son ami-associé l’a confirmé dans une lettre :

« Ils te poussent à l’exiler de ton pays. Avec la distance, ils font croire à tes proches que tu les as oubliés et ainsi tu te sens de plus en plus loin de tes liens. Après, ce sera au tour de ton histoire, de laquelle ils vont t’éloigner. Tu deviens l’enfant illégitime de ton pays, qui t’aimera toujours, mais comme une mère impuissante à défendre son gamin maltraité ; car aimer sans pouvoir défendre, c’et un amour handicapé et stérile. Ainsi, ils te déportent de ton passé. Et finalement, quand tu es bien désarmé et désemparé, l’exil t’adopte.

Exilé de ta langue maternelle, tu te réfugies dans l’écriture dans une autre langue. Quand tu écris dans une autre langue, tu es un autre écrivain. Un autre écrivain ne sera jamais une menace pour eux ; et c’est ce qui les arrange bien. Tu ne seras plus le même. »

Il n’était plus le même.

Son identité d’écrivain était rayée. De plus en plus isolé, il perdit son identité. Quant à mon père, cette amitié est progressivement devenue blême, éloignée, métamorphosée et puis effacée jusqu’à être reléguée au rang de souvenir.
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