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EAN : 9782493823021
140 pages
Tropismes (09/09/2022)
4.23/5   13 notes
Résumé :
Une autrice. Dont l'autorisation de publier son roman est suspendue par le bureau de la censure. Lors d'un entretien avec le chef de service, suite à un coup de fil que reçoit ce dernier, elle se retrouve enfermée seule dans la salle des manuscrits interdits. Un éditeur. Qui vit une folle et tendre romance avec une archiviste. Ensemble, ils ont un projet dément : publier les textes interdits dans leur pays.
Une jeune femme. Enceinte, qui apprend le décès brut... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La quatrième édition du Prix littéraire des Étudiants de Sciences Po confirme que les étudiants font un travail de veille littéraire remarquable : cette année, ils ont primé un roman qui illustre de manière idéale leur ambition de « récompenser un roman francophone traitant d'un sujet de société de façon engagée ». Il s'agit de Je ne suis pas un roman, de Nasim Vahabi, aux éditions Tropismes (ex-Belleville éditions).⠀

C'est un roman engagé, et c'est aussi un roman qu'on n'a pas vu partout sur toutes les listes de l'automne. Pourtant, il est sorti en septembre 2022, une semaine avant la mort de Mahsa Amini ! de quoi avoir très envie de le mettre en avant aujourd'hui.

Son sujet ? C'est tout bonnement la censure. Une dystopie certes, mais trop réelle puisqu'en Iran, deux romans de Nasim Vahabi sont censurés...

Mais ce texte qui dit ne pas être un roman y ressemble quand même beaucoup : il y a des personnages, il y a une histoire d'amour délicate et passionnée, il y a du sang et des larmes… je l'ai lu avec passion.

Je remercie 20 minutes d'avoir passé ma chronique sur ce roman, et je remercie Nasim Vahabi d'avoir répondu à mes questions, dans une interview que vous retrouverez dans le lien ci-dessous.

Elle a dédié son prix « aux Iraniens et Iraniennes qui risquent leur vie pour réclamer la liberté » et souhaité « partager cet espoir, cet encouragement, avec tous les écrivains qui essaient de contourner la censure ».

Lisez-le, partagez-le, parlez-en !
Lien : https://www.20minutes.fr/liv..
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📘Chronique📘


Je n'ai rien à perdre
Je ne suis pas un roman
Je suis peut-être un espoir
Mais surtout pas un roman
Elle, Lui, Eux, non plus
Parce que ce qui n'est pas nommé
N'existe pas
Alors les censeurs, la censure
N'existe pas
Une autrice et son éditeur
Sont pourtant annihilé
Sans pouvoir rien y faire
Alors qu'est-ce qu'on fait
Quand on est rendu à rien
Qu'est-ce qu'il reste de l'art
Quand on est annulé?
Il restera toujours des résistants
De la résistance, de l'imagination
Mais c'est cher payé, cette interdiction
Ce Bureau brise la volonté même
Ils ont la main mise
Sur les noms, les étiquettes, les vies
Les destins, la culture, l'humour,
Les conversations, les futurs,
La liberté d'expression
Ils ne laissent que le sang et les cendres
Je n'ai donc rien à perdre à vous dire
Que la censure est un fléau
Bien plus virulent que n'importe
Lequel des pires virus de ce monde
En cassant la voix, l'élan, la fiction
C'est les rêves qu'ils bousillent
C'est l'envie qu'ils font mourir
Je n'ai rien à perdre,
Autant que vous sachiez
Que nous sommes tous des romans
Mais que derrière certaines frontières
Des romans sont censurés, annihilés
Devenus fantômes et cendres
Est-ce que vous la sentez la mort?
Il parait qu'on n'oublie jamais
Cette odeur
Je n'ai rien à perdre à vous dire
Que certains oublient
Détournent la tête et passent leurs chemins
Devant ces cimetières de passions
Le seul risque que vous ayez à prendre
Aujourd'hui
C'est de me croire
De croire que je suis un roman
Un coup de coeur
Que je ne pourrais nier
Un coup au coeur
Qui voudrait sortir de cette salle
Des archives aux manuscrits
Censurés
Afin de porter, jusqu'à vous
Le roman émouvant de cette autrice
Nasim Vahabi!

« Personne ne connaît le nombre exact d'auteurs estompés, transformés en cendre de l'oubli. »
Lien : https://fairystelphique.word..
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En pleine révolte féminine iranienne, ce titre, on osera à peine l'appeler roman forcément, écrit par une femme du pays, Nasim Vahabi, et publié par Tropismes Éditions possède une résonance particulière : alors que l'on est pleins de ces images de ces femmes tirées violemment par les cheveux, matraquées par la police des moeurs, des photos de celles qui ont été massacrées, et violées, de cette jeune femme, sa chevelure rasée dans ses mains, devant la tombe de sa mère assassinée, fixe de son regard de celle qui a tout perdu, l'objectif de l'appareil photo. Si le port du tchador est le symbole du carcan de la femme iranienne, la police de la censure qui passe au moulin de la charia conservatrice et rigoriste le moindre texte à publier est le carcan des auteurs iraniens.


Je mets sans doute la charrue avant les boeufs, car l'auteure n'évoque jamais l'Iran – c'est fait en conscience – si ce n'est par le biais de l'évocation de ce bureau des censures, qui a priori serait actif dans divers pays : c'est avant tout un titre sur la censure. Tout débute par une autrice, à laquelle on n'a pas attribué de nom non plus, confrontée à un énième refus, une énième excuse pour avoir rejeté son manuscrit au rebut des manuscrits oubliés. Celle-ci se rend au ministère, accompagnée de son éditeur, elle a réussi en effet à y décrocher un entretien avec l'un de ces petits fonctionnaires décisionnaires, qui réitère le refus qui lui a été opposé. Tout se déroule tant bien que mal jusqu'à ce que le fonctionnaire lui fausse compagnie, justement, dans la salle où reposent ces livres avortés alors même que la porte s'est refermée sur elle-même. C'est le début d'un imbroglio incroyable, d'un enchaînement fatal de hasards inopportuns, qui vont inclure bien d'autres acteurs que notre autrice. le deuxième chapitre sera consacré à cet éditeur, le troisième à la compagne de l'éditeur, le quatrième à sa fille, le cinquième au gendre et mari, etc. Aucun nom, aucune identité, uniquement des fonctions désincarnées : l'éditeur, l'autrice, la dame… Ces fonctions inhérentes à cette machine à broyer instaurée par ce ministère de la censure. La plupart en sont des victimes, en premier lieu les autrices et auteurs, éditeurs, et il y a ceux et celui qui huilent ses rouages, ceux qui participent bien volontiers à la destruction des oeuvres, des hommes et femmes qui sont derrière les titres qu'ils condamnent à l'oubli.

Ce texte est extraordinaire, j'ai lu d'une traite ses cent vingt-deux pages : ce n'est pas un roman, ce n'est ni un documentaire, puisqu'il ne fait que décrire la réalité de ces ennemis de la littérature et de ses victimes à travers des éléments romanesques. À travers la fiction de ces événements, aux personnages anonymisés, car ils peuvent finalement correspondre à n'importe quel citoyen, Nasim Vahabi procède à une véritable démonstration de ce qui révèle être bien autre chose qu'une machine à censure : une broyeuse d'hommes, un assassinat en règle des artistes, de leur art, de ce qui constitue leur personnalité, de leur intégrité physique. Ce texte est extraordinaire, mais il est tout autant terrifiant : la claustration, métaphorique ou non, de l'autrice dans cette salle de tortures, la désagrégation progressive de l'éditeur à qui il ne reste plus d'autres choix que de rééditer des textes archiconnus, et ceux qui cachent habilement leur morgue derrière le masque du parfait petit soldat du gouvernement. L'effet de ce récit est saisissant, l'auteure maîtrise totalement ces effets de cause à conséquences progressifs, jusqu'à ce que l'on finisse par saisir la cohérence de l'ensemble du récit, ou l'on en vient à réaliser que tous les éléments sont intrinsèquement liés entre eux, pour le pire. Mention spéciale à ce procédé narratif qu'est la lecture antéchronologique des sms, difficilement compréhensible au début, mais qui devient claire comme de l'eau de roche une fois la narration classique de retour.

En préambule, Nasim Vahabi nous accorde une page d'explications sur le processus de contrôle de toutes les publications, on s'aperçoit qu'on touche le fond de l'invraisemblance et de l'absurdité lorsqu'elle nous indique que même les mots censure et censeur sont eux-mêmes expurgés. Comme si cette interdiction ou cette excommunication suffisaient à annihiler l'existence d'un concept alors même que cela ne fait qu'à contribuer aux plus déterminés et courageux à les faire exister, en perpétuer leur existence, dans ce que l'auteure nomme leur propre « jardin secret » au sein d'une cave, d'un sous-sol. Évoquer la censure sous la forme d'une fiction à la limite du documentaire est plutôt habile, elle s'en explique d'ailleurs dans l'extrait à suivre. La frontière est plus que trouble entre la construction de cette situation fictive qui aurait pu être réelle, et une possible reproduction peut être partielle ou totale d'une situation qui serait arrivée, cette allégorie de la destruction de l'écrivain, asphyxié progressivement par les étaux du pouvoir.

Les débuts de Tropismes Éditions se font décidément de bons augures, ce texte est puissant, tant par son aptitude à mettre en exergue la perversité de ce système de censure, qui s'apparente davantage à de la répression humaine. Qu'a révéler la peur envers la littérature qui étreint le corps dictatorial de toutes les dictatures possibles, et finalement, le pouvoir qu'elle exerce, qu'elle donne aussi à ceux qui usent de leur plume. Nasim Vahabi, qui vit en France aujourd'hui, sait de quoi elle parle, deux de ses romans ont été interdits en Iran alors même qu'elle est l'auteure de trois romans et un recueil de nouvelles, tous écrits dans sa langue natale, le persan.


Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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J'avais une tendresse particulière pour les éditions Bellevilles donc c'est tout naturellement que j'ai suivi leur nouvelle aventure, celle des éditions Tropismes. La première publication, Je ne suis pas un roman, tient toutes ses promesses et surprend tant par sa forme que par son sujet.

En Iran, pour être publié un texte doit passer par un comité de lecture. La censure est féroce et bon nombre de publications sont refusées pour des motifs inexpliqués. le roman commence avec la visite d'un éditeur et de son autrice au bureau de la censure. Ils viennent y chercher des réponses. L'auteur repart sans réponse et l'autrice se retrouve piégée dans la salle des manuscrits refusés. À partir de là des histoires se tissent et se nouent autour de cette question des romans empêchés d'exister.

Nasim Vahabi ne cite jamais le nom de l'Iran dans son livre. L'histoire pourrait se passer dans n'importe quel pays où existe la censure. Néanmoins, nous ne pouvons nous empêcher de penser au pays natal de l'autrice en lisant ce livre. L'Iran impose en effet un contrôle strict des publications. le poids de la censure pèse sur chacun des personnages. Jusqu'à dans leurs échanges personnelles ils se méfient de ce qui peut être lu. Liés entre-eux par des hasards de l'existence, ils le sont aussi par le lien qu'ils ont avec les manuscrits et leur censure. L'éditeur développe des stratégies pour tenter de la contourner et s'épuise. Les auteurs doivent se résoudre à fuir, qui a perdu un peu de leur identité et donc de leur art.
La construction de ce court roman surprend. L'autrice joue habilement avec son lecteur en nous offrant plusieurs versions d'une même histoire. Elle nous offre une vision juste et effrayante de ce que fait la censure sur les gens et notamment les artistes. Par des procédés narratifs innovants, comme une série de SMS lu de manière antéchronologique, elle enchâsse plusieurs points de vues. Probablement plus percutant que ne le serai un essai sur le sujet, Je ne suis pas un roman fait de la condamnation de la censure une cause vibrante. L'autrice manie l'humour et l'émotion avec justesse, ce texte se lit en un souffle tant il nous happe.

Par son propos forts et ses effets narratifs saisissants, Nasim Vahabi nous propose un roman qui montre l'importance de la liberté créative pour une société toute entière.
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Ce roman (c'en est bien un!) est une parfaite allégorie de la censure : on n'y trouvera ni toponymie, ni patronyme, ni indication temporelle.

Les chapitres s'enchaînent et laissent s'exprimer tour à tour des personnages différents : l'écrivain cherchant à publier un nouvel ouvrage, l'éditeur lassé de souffrir de la censure, le fonctionnaire zélé pressé de classer un ouvrage dans les tréfonds du ministère, femmes et hommes dont on ne comprend pas très bien le rapport avec les premiers jusqu'au dénouement.

A première vue, la lecture pourrait paraître malaisée, mais l'on se glisse finalement facilement dans la peau de ses personnages inconnus, ombres qui se mêlent aux livres interdits consignés dans des dossiers dont les couleurs indiquent la gravité ; les petites tranches de vie de chacun des protagonistes sont autant de détails glânés sur les conditions de vie d'un pays totalitaire, puisque là où l'on censure les livres, on censure bien évidemment les libertés, et même l'amour.

Une belle démonstration, et j'ai trouvé particulièrement adroit de la part de l'auteur de ne pas mentionner son pays d'origine, l'Iran, où l'on imagine que trop bien les rouages de censeurs qui, et c'est là toute l'ironie de la censure, sont bien obligés de lire les sulfureux écrits afin de pouvoir les interdire.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Quelques années plus tard, ce fut au tour de son associé de partir. L’écrivain qu’il était ne pouvait plus se faire publier. Les censeurs refusaient catégoriquement ses manuscrits. Aucun n’obtenait l’autorisation de publication. Il décida de quitter le pays avant que la décision de quitter la vie ne s’impose. Mon père lu donna sa part pour qu’il puisse s’installer à l’étranger. On savait tous qu’à l’étranger, il ne serait plus le même écrivain. La procédure suit un ancien schéma. Mon père le savait, et son ami-associé l’a confirmé dans une lettre :

« Ils te poussent à l’exiler de ton pays. Avec la distance, ils font croire à tes proches que tu les as oubliés et ainsi tu te sens de plus en plus loin de tes liens. Après, ce sera au tour de ton histoire, de laquelle ils vont t’éloigner. Tu deviens l’enfant illégitime de ton pays, qui t’aimera toujours, mais comme une mère impuissante à défendre son gamin maltraité ; car aimer sans pouvoir défendre, c’et un amour handicapé et stérile. Ainsi, ils te déportent de ton passé. Et finalement, quand tu es bien désarmé et désemparé, l’exil t’adopte.

Exilé de ta langue maternelle, tu te réfugies dans l’écriture dans une autre langue. Quand tu écris dans une autre langue, tu es un autre écrivain. Un autre écrivain ne sera jamais une menace pour eux ; et c’est ce qui les arrange bien. Tu ne seras plus le même. »

Il n’était plus le même.

Son identité d’écrivain était rayée. De plus en plus isolé, il perdit son identité. Quant à mon père, cette amitié est progressivement devenue blême, éloignée, métamorphosée et puis effacée jusqu’à être reléguée au rang de souvenir.
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Ils te poussent à t’exiler de ton pays. Avec la distance, ils font croire à tes proches que tu les as oubliés et ainsi tu te sens de plus en plus loin de tes liens. Après, ce sera au tour de ton histoire, de laquelle ils vont t’éloigner. Tu deviens l’enfant illégitime de ton pays, qui t’aimera toujours, mais comme une mère impuissante à défendre son gamin maltraité ; car aimer sans pouvoir défendre, c’est un amour handicapé et stérile. Ainsi, ils te déportent de ton passé. Et finalement, quand tu es bien désarmé et désemparé, l’exil t’adopte.
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Les censeurs sont devenus plus intelligents avec le temps. Au début, ils n’étaient pas ainsi. C’était une bande d’ignorants. Maintenant, ce sont de brillants salopards, des sans-scrupules dévoués et obéissants qui sont prêts à tout massacrer pour recevoir l’approbation de leurs chefs. Cela rend les écrivains plus intelligents ! Ils les poussent à chercher des métaphores compliquées, à cultiver les champs vierges de leur imagination et créer des phrases contournées à déchiffrer.
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