Ce qui ressort est un tableau de responsabilité générale de la société française. Tout le monde a ses empreintes digitales sur la désindustrialisation du pays, car elle est le résultat d'une préférence collective. Le monde ouvrier, pourtant le premier touché, n'a pas lui-même vraiment défendu son objet. En hyperbolisant la composante d'aliénation et de pénibilité du modèle productif, il a d'une certaine manière participé activement à l'expulsion de l'industrie de la société française. Les enseignants dans les lycées professionnels se sont de leur côté opposés à l'apprentissage. Les lycées professionnels se sont mis massivement à orienter les jeunes vers les services. Les centres de formation se sont reconvertis faute de candidats. Personne n'a voulu aimer l'industrie et la défendre au moment où elle était à terre. (…) Personne n'a voulu attribuer à l'industrie des valeurs positives, dans ces années de mondialisation. On a laissé penser, y compris aux familles d'ouvriers, qu'une nation pouvait être puissante en étant postindustrielle. Or ça n'était pas possible. On a laissé prévaloir une forme de réaction anti-productive, née discrètement dans les profondeurs de la société depuis la fin des années 1960, et qui a enflé peu à peu sans qu'on en prenne conscience, gagnant de proche en proche l'Éducation nationale, les médias, jusqu'aux élites convaincues par le modèle Fabless.