AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Aunryz


Aunryz
29 décembre 2020
Rarement, et seulement dans les bonnes années, un éclat de rire, parfois, retentissait dans un coin du village ; la chose paraissait tellement anormale que c'en était presque un sacrilège. Les vieux se retournaient, fronçaient les sourcils ; le rire s'éteignait.
Aux grandes fêtes, à Noël, à Pâques ou le Mardi gras, quand ils avaient un peu plus à manger, un peu plus à boire et qu'un chant naissait dans leur gorge, c'était comme un lamento ; déchirant, monocorde, il passait de bouche en bouche, avec des modulations funèbres, interminablement. Issu de quelles terreurs immémoriales, massacre, esclavage, famine ? Mieux qu'une plainte, ce chant portait la marque Mieux qu'une plainte, ce chant portait la marque indélébile de la faim, du fouet, de la mort, endurés pendant tant de siècles.
Mais eux, comme des herbes folles, s'étaient accrochés à ces pierres hostiles et n'en décollaient plus. Ces Épirotes-là ont la tête dure : jusqu'à la fin du monde ils n'en décolleront plus.
Leurs corps, leurs âmes avaient pris la couleur, la dureté des pierres ; elles semblaient devenues une part d'eux-mêmes ; ensemble ils supportaient la pluie, la sécheresse, la neige, comme s'ils étaient tous des hommes, comme s'ils étaient tous des pierres. Quand un homme et une femme s'isolaient des autres, et que le pope venait et les mariait, ils n'avaient pas de mots doux à se dire, ils n'en connaissaient pas ; muets, ils se mêlaient sous leurs couvertures de laine rude et ne pensaient qu'à une chose : faire des enfants pour leur transmettre ces pierres, ces montagnes, et la faim.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}