Le petit déjeuner darde sa fraise
les fanions du vocabulaire
vont claquer
Sous les dents du poète
les tartines sont tendres
Quelle est la voie la plus tenace ?
Quel est le sens du tourbillon ?
Jamais au grand Jamais on ne peut être sûr
Du prochain battement de cœur
Et pourtant me voici de nouveau reliée
Au fil d’or du poème
Un hymne à la folle douceur
Des neiges, des plumes, des pétales
Un hymne à tout ce qui prend force dans le vent.
Mots…
Mots, mots, mots, embrassez-vous à vous en faire
péter la sous-ventrière
tout simplement mots articulés
mots graminées
qu’on pose sur le plat de la main
je vous regarde à la jumelle
Vous avez un beau départ et une belle chute
Dents provisoires
Ô poésie !
pourvu que les auditeurs ne s’aperçoivent pas
que j’ai de fausses dents
ils pourraient en déduire
que mon poème est incomplet
qu’il lui manque le velouté de la nature naturelle
l’assaisonnement furtif
qui fait les vrais poèmes
un poème sans toutes ses dents est un poème bancal,
mais, j’en suis sûre, vous savez bien étant mortels
que toutes dents sont provisoires
p.61
Ce matin, tu n'as pas regardé le ciel
Dans ton duvet d'oie tu es restée enroulée
Les portes n'ont pas grincé
Les fenêtres sont restées closes
Tu n'as rien entrepris
Tu es demeurée seule avec ton être profond
Le temps n'a pas compté
Tu es de plus en plus étonnée d'être celle que tu es
Tu ne t'es jamais habituée à toi-même
Ce matin, tu commences à faire connaissance avec
ton ombre
et avec ce qui est à l'origine de ton ombre
Cet étrange vaisseau de peau, de nerfs, de sang
Ce tourbillon de chair
Mais aussi avec ta pensée tellement fugitive
tellement aérienne
tellement subversive
avec toute ton ambiguïté
toute ta sauvagerie
et la force de ta douceur
p.9
La poésie …
La poésie, mammouth interne
couverture étoilée
couvrante fabriquée avec des brins de laine
dérangement de tube digestif
petit chatouillis entre les omoplates
oronge orange
petite bête qui monte de la racine droite
de tes pieds
jusqu’au fouillis gratte-ciel de la chevelure
…
La poésie, l’an neuf
Emportez dans vos bras le ciel, les arbres
l’hiver en son entier
La poésie est un manteau d’argent
Je suis allée chercher un livre de poèmes en ville
passant le pont, je l’ai mis dans ma poche
– la poésie aime qu’on la promène –
à petite dose elle infuse dans le corps qui la porte
mais il faut être seul dans sa chair et son sang
seul dans ses pas, seul sur les ponts
tout seul dans l’air unique de la ville
alors il y aura une transsubstantiation
le poème de l’an neuf battra dans les artères
de celle qui transporte avec un espoir fou
une clé pour ouvrir le monde
Mots, mots, mots, …
Mots, mots, mots, embrassez-vous à vous en
faire péter la sous-ventrière
tout simplement mots articulés
mots graminés
qu'on pose sur le plat de la main
je vous regarde à la jumelle
(...)
Est-il vrai…
Est-il vrai que nous ne savons le fin du fin
qu’à l’ultime seconde ?
Moi qui adore les arbres noirs la nuit
la brume entre leurs branches
je suis née pour élucider ce mystère total
et l’immense couverture de mohair jaune
qui me recouvre quand il gèle
appartient elle aussi au monde étoilé
au monde en extension perpétuelle
Je suis une taupe dans la nuit
je dors en attendant le rossignol
Je n’ai jamais entendu…
Je n’ai jamais entendu le bruit que fait la peau en poussant
mon cœur est peu à peu devenu un gros oignon
ma patrie est de plus en plus circonscrite
la société m’a fait cadeau d’un ciré hermétique
et pourtant
je voudrais entendre le bruit que fait la peau en
poussant
Celui qui frappe la peau du tambour le sait-il ?