Rosa reste allongée sur la terre sèche, incapable de bouger. Elle entend le souffle de sa respiration dans le creux de ses bras. Elle a tellement peur que ses larmes coulent sans discontinuer. Elle ne peut croire qu’elle est libre. Ils doivent sûrement l’observer de loin. La peur la tétanise. Ils attendent qu’elle se lève pour la fusiller.
Cela fait un bon moment qu’elle ne bouge pas. Il doit être plus de minuit maintenant. Elle lève timidement la tête. Personne aux alentours. Elle balance doucement son gros ventre sur le côté et se redresse. Le cauchemar à la Villa Grimaldi est-il donc terminé ? Ce n’est pas le sort qu’ils réservent aux autres, elle le sait. Ils ne laissent pas les témoins en vie. Ils ont raison, elle doit sa survie à Alvaro. Elle aurait préféré mourir que de vivre ça.
- Demain ce serait pas mal. Tu peux dire à Belen qu’on passe la soirée ensemble, tous les deux.
- Elle va trouver ça louche, on sort jamais ensemble.
- Eh bien il y a un début à tout. Il n’y a pas de mal à ça, non ? On pourrait être copains !
- Ouais, c’est vrai ! On peut être copains !
La mine réjouie de Victor fait presque de la peine à Andreo. Il se demande comment une personne peut se laisser convaincre aussi facilement.
- Bon alors, tu es d’accord ? On se voit demain ? Je viens te chercher à l’usine ?
- D’accord ! On aura l’temps de s’la prendre notre bière cette fois-ci.
- Et comment !
Non, elle ne s’en fout pas d’Andreo, pas du tout même. Elle se fait peur parfois, Julieta. Elle l’avoue sans retenue : il lui plaît et il lui a toujours plu. C’est vrai. Elle sait parfaitement que ce n’est pas le corps de Luis Tacado qui lui rend visite la nuit et qui lui donne envie de se caresser. Andreo a un corps de damné. Elle imagine bien le feu de la passion les dévorer si elle couchait avec lui, mais rien que d’y penser, elle a déjà les bouts de cheveux cramés.
Depuis qu’ils sont petits, cet homme déborde de sentiments pour elle, elle est tout pour lui, tout… et c’est bien là le problème.
Je vous présente Victoriano. Je vais en profiter pour tous vous présenter : nous avons dans l’ordre Julia, Belinda, Lucio, Alma, Andrés, Marie, Téodoro et Josefa. Vous faites tous partie du groupe prioritaire numéro 185069.
Louche. Cette notion de groupe prioritaire ne me plait pas. On nous fait passer devant les autres. Effectivement comme le pense Lucio, quelque chose se trame. Et cette convocation urgente chez Adèle… Ce n’est pas non plus dans les habitudes de la maison…
Depuis ce jour, Andreo n’avait toujours pas révisé son jugement sur cet opportuniste. Un imposteur. Cinq années d’usurpation durant lesquelles Luis Tacado avait joué son rôle à merveille. Le mariage célébré, sa femme et ses plantes vertes s’étaient vu offrir le même traitement, arrosage inclus. Avec le temps, ses plantes affichaient un sublime vert bouteille et Julieta accouchait d’Alba, une fille que Luis allait superbement ignorer, tout autant que la mère.