Il sort fumer une cigarette, entouré des hautes herbes de ce jardin où la nature reprend ses droits. Il se dit que les êtres humains sont comme ces herbes. Il est bien inutile de tenter de discipliner herbes et plantes, car toujours, dès lors que l’on relâche son attention, elles redeviennent hautes et touffues, sauvages. Elles retournent à leur naturel. Mélanie a raison de ne pas y toucher. C’est ainsi qu’elles sont belles.
Je suis tombée amoureuse de Pierrick pour ces qualités qui aujourd’hui me le font percevoir comme faible, incapable de me soutenir, de me protéger. J’avais vingt ans quand je l’ai rencontré, tout juste vingt ans. Pour l’occasion, j’avais organisé une grosse soirée chez mes parents. Ils étaient comme tous les étés partis tous les trois, rien que tous les trois en vacances. J’avais la maison pour moi seule et j’en profitais un maximum. Il y avait une cinquantaine de personnes. Je n’en connaissais pas la moitié. À l’époque, je sortais avec Pierrot, mon vieux copain, mon copain de toujours, qui me trompait allègrement. Ça n’avait aucune importance, parce que je faisais pareil. C’était entendu entre nous. L’affection et le sexe, sans les chaînes. Je me sentais forte, je me sentais libre. J’ai remarqué ce garçon timide, mal à l’aise et seul. Il était tout en jambe, un grand corps qui s’excusait d’être là. Il avait ce visage doux et rond, qui promet bonté et générosité. Ses yeux rieurs et ses taches de rousseur ajoutaient une touche d’espièglerie. Il avait l’air d’un gosse. J’ai demandé aux gens s’ils le connaissaient. Personne ne savait qui c’était. J’ai fini par aller vers lui, en lui disant que c’était mon anniversaire.
— Je sais, m’a-t-il répondu.
— On se connaît ?
— Non.
— Qui t’a invité ?
— Personne.
— Ah ! Et tu fais souvent ça, de t’incruster aux soirées ?
— Non, jamais.
Et Tim sortit précipitamment. Il courut jusqu’à la forêt, jusqu’à son arbre. Il s’allongea sur la terre humide, ferma les yeux. Il devait chasser la colère. Il n’était même plus triste. Juste cette colère qui lui broyait le ventre. Il envoya un message à Sidonie « Je t’aime ». Seulement ça, je t’aime.
Dès que le soleil apparaissait et donnait sa lumière aux arbres. Timothé commençait à dessiner. Il était calme, apaisé, plus rien ne comptait que le trait, le regard, la couleur. Il savait qu'il était l'heure de partir grâce à la couleur du ciel et à la force de la lumière
Quelles que soient les vies que nous menons et les histoires de nos parents, nous naissons tous avec cette nécessité de nous sentir aimés et de nous rassurer quant à cet amour.