AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


J’allais parfois le retrouver dans un taudis du IXe arrondissement où il passait une partie de ses samedis, jouant des parties de belote hallucinées avec des RMIstes octogénaires et des millionnaires semi-analphabètes, des types capables de dealer des terrains à Miami sans parler un mot d’anglais. Tous les habitués étaient juifs, rapatriés d’Algérie, carburaient à l’anisette, et certains ne quittaient l’endroit que pour s’assurer que leur femme n’avait pas rendu l’âme depuis l’heure du petit déjeuner. Quarante mètres carrés maximum. Un ventilateur pour la saison chaude. J’y avais serré la main d’un vieillard pied bot qui s’était pointé un jour dans un bar, avait sorti un calibre et arrosé de plomb un gars pour une histoire de femme. Si, par Arabes, on entendait : avenants, dotés d’un fort esprit de troupeau, culturellement bloqués au XIIIe siècle, la plupart de ces mecs étaient clairement arabes. Mais puisque mon père et ses potes entendaient par Arabes : feignasses, butés, systématiquement enclins à confondre bêtise et affirmation de soi, ils revendiquaient avec véhémence leur identité judéo-européenne. En continuant de trouver les Arabes plus attachants que les Français.
De leur point de vue, la solidarité intra-blanche n’existait pas. Blanc c’était trop abstrait pour la solidarité. Pour eux, les Blancs, dans leur immense majorité, étaient des êtres prêts à se niquer sans vergogne, et tout juste bons, une fois qu’ils s’étaient trop baisés entre eux, à refaire l’unité blanche sur le dos d’un bouc émissaire, noir, juif ou arabe. C’était ça, les Blancs. Et c’était ce qu’ils disaient aux blancs avec lesquels ils étaient amis, et avec lesquels ils étaient heureux et fiers d’être amis. Fondamentalement, mon père et les siens restaient des Juifs d’origine modeste élevés comme Européens en terre musulmane, et devenus financièrement à l’aise dans un pays, la France, qu’ils avaient cru être le leur depuis l’enfance, mais qui les avait accueillis en lépreux après un exode brutal.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}