Olivier Truc

Je dois à tout prix retrouver mon calme et analyser la situation : tout n’est pas si critique, j’ai dû rentrer dans le champ de la webcam moins de dix secondes avant de briser l’écran. La lumière n’était pas bonne, je portais des vêtements sombres, mon visage était caché par l’écharpe et le bonnet. Le type qui hurlait n’a pas dû voir grand-chose, et je suis persuadé qu’il n’a pas enregistré la vidéo. Pourquoi l’aurait-il fait ? Et puis le choc, la panique vont le faire oublier tout ce qu’il a vu. Il ne donnera que des caractéristiques grossières aux enquêteurs : taille moyenne, âge moyen, et surtout, des lunettes.

Je suis censé sortir du cinéma lorsque je balance le tisonnier au fond du canal de la Deûle. Il coule à pic. Sac plastique ensanglanté au fond d’une poubelle, retour chez moi, voiture au fond du garage, allumage de cheminée. J’attise un feu bien fort et plonge tous mes vêtements au fond de l’âtre, jusqu’à mes baskets et aux lunettes de mon père. La chaleur des flammes et ces preuves qui disparaissent en fumée me rassurent un peu. Après deux heures et un bon bain où je me frotte aussi fort que je peux, je récupère les cendres et les fourre au fond de la cuvette des toilettes, avant de tirer la chasse d’eau.