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Citation de Blandine54


Des pillages s'ajoutèrent à ces crimes. Car les soldats découvrirent en Roumanie, en Pologne, puis en Allemagne un pays de cocagne. La propagande stalinienne dépeignait le capitalisme sous les plus noires couleurs. Les hommes du front constatèrent, sidérés, que le niveau de vie dans les fermes les plus humbles, loin de correspondre à l'enfer que le régime leur avait dépeint, surclassait le leur. "Qu'est-ce qu'on devrait leur faire, camarade capitaine ? demanda un sapeur à Zakhar Agranenko, un auteur dramatique servant dans l'infanterie de marine. Réfléchissez. Ils étaient à l'aise, bien nourris, avec du bétail, des potagers et des pommiers. Et ils nous ont envahis ! Ils sont allés jusqu'à mon oblast de Voronej. Rien que pour cela, camarade capitaine, on devrait les étrangler." " Nous n'arrivions pas à comprendre : pourquoi avaient-ils besoin de faire la guerre, s'ils vivaient aussi bien ? Chez nous, les gens vivaient dans des huttes de terre battue, quand eux, ils mangeaient sur des nappes blanches... buvaient le café dans des tasses de porcelaine", s'interrogea Aglaïa Neterouk, une femme sergent-radio. Face à cette profusion, les soldats s'emparèrent prestement des biens qu'ils pouvaient expédier en Russie - montres, bijoux, vêtements... En autorisant le 26 décembre 1944 à envoyer des colis depuis le front (5 kilos pour les hommes, 16 pour les généraux), le ministère de la Défense encouragea cette prédation. Si trois cents paquets arrivaient à Koursk en janvier 1945, leur nombre explosa par la suite : cinquante mille début mai. Au mitan de ce mois, vingt mille wagons attendaient d'être déchargés. Cette abondance décupla la fureur des vainqueurs, qui cassèrent ou incendièrent sans motif et sans retenue : "j'aimerais démolir à coups de poing toutes ces impeccables rangées de bocaux et de boîtes de conserve", avoua Dimitri Chtcheglov, un officier politique de la 3è armée.
Ce déchaînement de violence finit par alarmer les chefs soviétiques qui tentèrent de l'endiguer. Dans un article publié dans la Pravda du 14 avril 1945, Gueorgui Alexandrov, responsable de la propagande au Comité central, accusé Ilya Ehrenbourg, le célèbre écrivain journaliste, de simplifier la situation en présentant l'Allemagne comme "une colossale bande de bandits". Cette mise en garde répondait à l'angoisse de l'état-major qui constatait que les troupes préféraient voler, violer et se soûler que combattre. Or ces pillages perturbaient la logistique de l'Armée rouge, et la violence risquait de créer un fossé de sang entre occupants et occupés. Ce rappel à l'ordre fut ignoré et les exactions persistèrent, avivant la peur des allemands.
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