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EAN : 9782262079932
1072 pages
Perrin (24/08/2023)
4.54/5   36 notes
Résumé :
Tous les fronts dans un seul livre.
Cet ouvrage est né d’un constat paradoxal. Si nous croulons a priori sous les livres portant sur la Seconde Guerre mondiale, il existe en réalité peu de grandes synthèses sur le sujet – et aucune de l’envergure de celle que propose Olivier Wieviorka.

Fruit de nombreuses années de travail, elle innove d’abord par son approche globale qui la distingue des classiques anglo-américains qui privilégient les seules... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Un récit sur la France trop collé au roman national qui omet les faits qui en dérange la fluidité :
Page 94 : S'il est parfaitement opportun de rappeler l'entretien du 17 février 1940 entre E. von Manstein et A. Hitler qui va décider ce dernier à adopter le passage par les Ardennes, Il est hautement regrettable d'omettre l'entretien parallèle du 24 mars entre Ch.de Gaulle et Paul Reynaud récemment porté à la Présidence du Conseil, qui va décider ce dernier à envoyer le gros de l'Armée française en Belgique et Hollande, dans le piège Manstein, contre l'avis de son conseiller militaire, le Ltd-Colonel Paul de Villelume qui pressait Paul Reynaud de ne pas tomber dans ce piège et de renvoyer Gamelin, justement parce que il en était partisan. le 28 mars quatre jours après ce funeste entretien, qui avait cassé l'influence de Paul de Villelume sur Paul Reynaud, se tenait la réunion interalliée à Londres en présence de Paul Reynaud et Churchill qui actait la Belgique et la Hollande comme théâtre des opérations en cas d'attaque allemande. (source : Rapport fait au nom de la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur les évènements survenus en France de 1933 à 1945. Tome 9. Particulièrement les pages 2761 et 2762 gallica.bnf.fr*)
Page 468 : « Loin de faciliter l'opération Torch, les autorités vichystes avaient accueilli les Anglo-Américains au son du canon.... car en cas d'échec, un ralliement hâtif aurait brisé leur carrière »
L'auteur de ces lignes aurait dû rappeler les points suivants:
D'une part la doctrine Pétain-Weygand : « si les Américains viennent avec une division, on les rejette à la mer, s'ils viennent avec 20 divisions on les embrasse ». Pourquoi ? Parce que le prix à payer était trop élevé en cas d'échec, non pas pour la carrière de quelques officiers supérieurs « vichystes » mais parce que le gouvernement savait que les Allemands risquaient de s'emparer immédiatement des 3 grands avantages obtenus par Pétain lors de l'Armistice.
D'autre part de rappeler ce que les américains ont reconnu après coup, comme une faute lourde de leur part, celle de ne pas avoir prévenu Pétain et Darlan alors que ce dernier avait plusieurs fois fait sonder Robert Murphy sur les intentions américaines. le général Eisenhower en fit la confidence à Henri Haye, ambassadeur de France aux Usa. Mais plus encore, c'est Robert Murphy qui confesse « Arrivant de Washington le 16 octobre 1942, je me trouvais en présence, à Alger, du général Mast et de l'Amiral Fenard. Tous deux sentaient confusément qu'une opération en Afrique française était imminente, et tous deux se mirent franchement à ma disposition. le 17 octobre, j'adressais un message à la Maison Blanche et à Eisenhower, pour leur faire part des propositions de Mast et de Fenard. Au nom du président Roosevelt, l'amiral Leahy me télégraphia de traiter avec Darlan ». (Source « Un diplomate parmi les guerriers, Laffont 1965*). Mais, Murphy, contrairement à l'ordre initial, préféra traiter avec Mast vivement opposé à une entente avec Darlan. Autrement dit, il traita avec des seconds couteaux et un club des cinq avec des résultats contraires au but recherché : la riposte française conformément à la doctrine Pétain-Weygand, la perte de la Tunisie que les américains mettrons 6 mois à reconquérir et en définitive le sabordage de la flotte.
Pages 558 l'auteur écrit « ... alors qu'en France, le régime de Vichy plaçait son appareil d'Etat au service du Reich et qu'une partie de la population manifestait des sentiments antisémites, la grande majorité des juifs échappa à la mort». C'est en effet un paradoxe : le taux de survie des juifs dans l'hexagone a été de 75%, mais 90% pour les juifs français et 60% pour les juifs étrangers, ce qui est déjà dans le haut du taux de survie par pays de la liste de la Shoah, et encore en oubliant de rapporter les 440000 juifs français d'Afrique du Nord qui ont été sauvés par les conditions d'Armistice qu'implicitement, l'auteur dénonce.
A noter que si page 552 dans le chapitre Une lâche indifférence, l'auteur souligne « ...globalement, Alliés et neutres restèrent passifs », il aurait pu illustrer ce chapitre avec cette décision américaine passée sous silence, comme le rapporte le Rabbin Alain Michel : Pétain avait proposé une tout autre solution migratoire, non pas à l'Est, mais à l'Ouest. Mais, le Gouvernement américain, auquel la France proposait de prendre à sa charge les frais de transport vers l'Amérique des 40000 immigrés que les Allemands réclamaient, a refusé !!!
Et à lire l'auteur, il ne lui vient pas à l'idée que, sous le risque de « polonisation de la France avec gauleiter », (en Pologne le taux de survie des juifs a été de 10% !) le statut des juifs décrété par Vichy, puisse être d'une part, essentiellement provisoire puisque Pétain attendait les américains comme en 1917, et d'autre part, un contrefeu (au minimum crédible vis-à-vis des allemands d'où certainement une restriction des exceptions du projet initial) destiné à entraver les actions délétères des lois de Nuremberg appliquées immédiatement en Alsace-Lorraine annexée. On connait pourtant la réaction d'Otto Abetz qui prévient de suite la Wilhelmstrasse que « les Français sont en train d'établir un statut des juifs pour adoucir nos lois». Ainsi les fonctionnaires juifs écartés de l'administration sont-ils indemnisés à l'ancienneté. Par ailleurs rappel de l'opposition ferme de Pétain sur le port de l'étoile jaune en zone libre, comme son refus de dénaturaliser les français « récents » d'origine juive (malgré la loi du 22 juillet 1940). Enfin, en obtenant dans les conditions d'Armistice tant décriées, 40% du territoire français à peu près libre pendant 28 mois, Pétain a permis à beaucoup de français de toutes origines de se sauver.

3 étoiles, compte tenu d'un récit sur la France trop collé au roman national, qui pouvait s'expliquer en son temps après le traumatisme de la défaite, comme un conte pour enfant, mais qui avec le recul de 8 décennies, s'avère un carcan pour la recherche de la vérité historique.
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Excellent ouvrage, hyper complet sur tout ce qui s'est passé entre 1939 et 1945 sur toute la planète. Tous les acteurs liés à la guerre sont observés, leurs stratégies analysée, leurs échecs aussi. L'imbrication de la France dans tout ce patchwork est finement expliqué.
Y a pas à dire, Olivier Wieviorka maitrise pleinement le sujet.
C'est un livre tellement complet qu'il est impossible de le lire d'une traite ; il est dans ma bibliothèque et sera repris de temps en temps. N'étant pas historienne et adorant lire de la littérature et du polar, je peine à le lire en entier.
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On est toujours embarrassé pour commenter un tel monument dont il est difficile de tendre la richesse et qu'il n'est naturellement pas question de résumer.
Je dirai donc seulement que le pari est réussi. Il s'agit bien d'une histoire totale de la Seconde Guerre Mondiale, qui en traité tous les aspects de manière aussi complète que le permettent les dimensions de l'ouvrage. L'unité de plume de l'ouvrage est une qualité supplémentaire.
C'est donc un outil indispensable pour quiconque souhaite acquérir une connaissance précise et synthétique des grandes lignes du conflit et en comprendre les dynamiques.
Sur le fond, il n'y a évidemment pas de révélations bouleversantes, mais cependant certaines mises au point bien utiles sur les réalités du conflit et les erreurs contenues dans la vulgate que l'on trouve généralement dans les médias, romans, livres de vulgarisation, films hollywoodiens
J'en citerai quelques exemples qui me semblent particulièrement topiques.
Ainsi le livre a le mérite de rétablir cette vérité trop oubliée dans le grand public : c'est dans les steppes de Russie et non sur les plages de Normandie, à Stalingrad et à Koursk, que le Reich a perdu la guerre
L'auteur souligne aussi que, toujours contrairement à des idées répandues, Hitler n'a jamais été sur le point de gagner la guere, pour la bonne raison qu'il ne pouvait pas la gagner, en raison des limites des ressources humaines, industrielles, minières, énergétiques, alimentaires, qu'il avait à sa distribution. Il eût pu cependant ne pas la perdre sans ses folles erreurs de l'année 194, où tout a basculé: déclaration de guerre à l'Union Soviétique, mais aussi, et on l'oublie souvent aux urgences Etats-Unis, qui, après Pearl Harbor, n'avaient déclaré la guerre qu'au Japon.
De même, le livre écorne l'image favorable de la Wehrmacht, qu'on croit souvent s'être toujours comporté correctement, contrairement à la SS.
Il n'en est rien, même sur le front de l'ouest où dès la campagne de 1940, elle fusillade sommairement plusieurs milliers de personnes, civils et militaires, et notamment tous les soldats noirs qui eurent le malheur d'être faits prisonniers. Quant au Front de l'Est, ses unités participèrent à la Shoah par balle et au traitement épouvantable des prisonniers soviétiques qui fit plusieurs millions de morts. Encore une fois,ces vérités ne sont pas nouvelles, mais le livre les remet opportunément en lumière.
On sait d'ailleurs que l'auteur a co-dirige avec Jean Lopez une étude sur les mythes de la Seconde Guerre Mondiale dont on retrouve beaucoup de thèmes ici .
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Je ne compte plus le nombre de livres que j'ai lus sur le second conflit mondial, émanant des auteurs les plus prestigieux : De Gaulle, Churchill, Antony Beevor, Basil Liddel Hart, Marc Bloch, Jean-Baptiste Duroselle, Benoîst-Méchin, François Kersaudy, Ian Kershaw, Robert O. Paxton, Pierre Milza, William Shirer, Jacques Tardi … et malgré cela, je n'avais jamais encore pu replacer cette synthèse historique de la période dans une perspective satisfaisante de temps long.

Car il s'agit bien ici d'une histoire TOTALE : à la fois chronologique et simultanée, géopolitique pour expliquer le pourquoi et le comment des différents théâtres d'opérations et leur complémentarité ou leur mise en concurrence, une analyse économique et idéologique de chaque belligérant avant et après l'entrée en guerre, les ressorts internes et les répercussions sur la politique intérieure, les rapports de forces, les statistiques des pertes phénoménales dans chaque camp …

Presque mille pages de textes cadencées en 29 chapitres qui se dévorent comme ceux d'un roman noirissime.

Une synthèse objective opérée du point de vue français et non plus seulement anglo-saxon, un style fluide, des citations de grande qualité qui ne nuisent pas au récit, une attention particulière aux statistiques et au redressement d'idées fausses et de batailles oubliées, des cartes complexes mais bien commentées et à leur place.

Une somme qui fera date et qui rassemble, avec le recul du temps et l'utilisation d'archives aujourd'hui accessibles, un monument pour éclairer la compréhension du monde d'aujourd'hui.

Car malgré le coût humain et économique astronomique de ce conflit, sans parler de son impact écologique – un aspect ignoré dans cet ouvrage – les « grandes » puissances n'ont jamais renoncé à la guerre comme moyen d'assouvir leur soif d'hégémonie. Une différence de taille : elles sont aujourd'hui dotées de l'arme nucléaire.

Professeur à l'ENS et membre de l'Institut universitaire de France, Olivier Wieviorka est unanimement reconnu comme le meilleur spécialiste francophone actuel du second conflit mondial. Il est enfin l'auteur de plusieurs documentaires.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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J'ai enfin fini cette somme sur la Seconde guerre mondiale (plus de 1 000 pages tout de même).

Comment résumer un tel ouvrage ? Il s'agit d'une histoire complète de ce conflit majeur : les événements militaires bien sûr, mais aussi d'autres aspects divers de cette période : la place des femmes dans les armées, le quotidien du soldat, la Résistance, etc. Ces différents points abordés par Olivier Wievorka ne sont pas toujours appronfondis et ce n'est pas le but, à mon sens.

Pour moi, le livre offre un panorama de la guerre à des non-spécialistes. Libre à chacun de creuser les domaines qui l'intéressent davantage (la Shoah, par exemple). Une bibliographie est disponible en fin d'ouvrage.

Que dire ? le travail de l'auteur est particulièrement important, tout est sourcé et il y a de nombreuses notes de bas de page. Ce livre va constituer à mes yeux un classique pour toute personne désirant s'intéresser à la s'intéresser à la Seconde guerre mondiale. Je recommande !
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critiques presse (5)
LeFigaro
22 décembre 2023
Cette "Histoire totale de la Seconde guerre mondiale" fait sans doute plus de 1 000 pages mais son contenu est suffisamment passionnant pour bannir toute idée de somme, volontiers aride.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaLibreBelgique
07 décembre 2023
Une étude panoramique d’Olivier Wieviorka sur le conflit qui, de 1939 à 1945, ensanglanta le monde.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
12 octobre 2023
Spécialiste de la Seconde guerre mondiale, Olivier Wieviorka en embrasse tous les aspects dans un ouvrage monumental. Écrit d’une plume alerte, son essai en impose par l’envergure de son questionnement moral.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
28 septembre 2023
Une synthèse magistrale de la Seconde Guerre mondiale dans laquelle Olivier Wieviorka aborde presque tous les aspects - stratégiques, politiques, économiques, éthiques…
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
21 août 2023
L'historien signe une synthèse magistrale du conflit : une analyse de toutes ses dimensions, militaires, bien sûr, mais également politiques, raciales et sociales.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Des pillages s'ajoutèrent à ces crimes. Car les soldats découvrirent en Roumanie, en Pologne, puis en Allemagne un pays de cocagne. La propagande stalinienne dépeignait le capitalisme sous les plus noires couleurs. Les hommes du front constatèrent, sidérés, que le niveau de vie dans les fermes les plus humbles, loin de correspondre à l'enfer que le régime leur avait dépeint, surclassait le leur. "Qu'est-ce qu'on devrait leur faire, camarade capitaine ? demanda un sapeur à Zakhar Agranenko, un auteur dramatique servant dans l'infanterie de marine. Réfléchissez. Ils étaient à l'aise, bien nourris, avec du bétail, des potagers et des pommiers. Et ils nous ont envahis ! Ils sont allés jusqu'à mon oblast de Voronej. Rien que pour cela, camarade capitaine, on devrait les étrangler." " Nous n'arrivions pas à comprendre : pourquoi avaient-ils besoin de faire la guerre, s'ils vivaient aussi bien ? Chez nous, les gens vivaient dans des huttes de terre battue, quand eux, ils mangeaient sur des nappes blanches... buvaient le café dans des tasses de porcelaine", s'interrogea Aglaïa Neterouk, une femme sergent-radio. Face à cette profusion, les soldats s'emparèrent prestement des biens qu'ils pouvaient expédier en Russie - montres, bijoux, vêtements... En autorisant le 26 décembre 1944 à envoyer des colis depuis le front (5 kilos pour les hommes, 16 pour les généraux), le ministère de la Défense encouragea cette prédation. Si trois cents paquets arrivaient à Koursk en janvier 1945, leur nombre explosa par la suite : cinquante mille début mai. Au mitan de ce mois, vingt mille wagons attendaient d'être déchargés. Cette abondance décupla la fureur des vainqueurs, qui cassèrent ou incendièrent sans motif et sans retenue : "j'aimerais démolir à coups de poing toutes ces impeccables rangées de bocaux et de boîtes de conserve", avoua Dimitri Chtcheglov, un officier politique de la 3è armée.
Ce déchaînement de violence finit par alarmer les chefs soviétiques qui tentèrent de l'endiguer. Dans un article publié dans la Pravda du 14 avril 1945, Gueorgui Alexandrov, responsable de la propagande au Comité central, accusé Ilya Ehrenbourg, le célèbre écrivain journaliste, de simplifier la situation en présentant l'Allemagne comme "une colossale bande de bandits". Cette mise en garde répondait à l'angoisse de l'état-major qui constatait que les troupes préféraient voler, violer et se soûler que combattre. Or ces pillages perturbaient la logistique de l'Armée rouge, et la violence risquait de créer un fossé de sang entre occupants et occupés. Ce rappel à l'ordre fut ignoré et les exactions persistèrent, avivant la peur des allemands.
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Sur la scène internationale, le Japon se sentait menacé. Lors des négociations de Versailles, il avait réclamé que le principe de l'égalité des races fût reconnu dans le pacte créant la Société des Nations. Bien qu'il ait été adopté à la majorité des voix, ce principe fut rejeté par Wilson en 1919, le président américain craignant de créer un précédent aux Etats-Unis, alors régis par une kyrielle de mesures racistes envers les noirs. Ce refus indigna l'opinion publique japonaise. D'autant qu'en 1922 les occidentaux obligèrent Tokyo à accepter le traité de Washington qui, pour limiter la course aux armements navals, imposa la clause dite 5-5-3 : pour cinq bâtiments américains croisant dans le Pacifique, la Grande-Bretagne pourrait également entretenir cinq navires de guerre, mais l'empire du soleil-levant devrait se contenter de trois. Cet accord ulcéra les nationalistes nippons qui refusaient de passer sous les fourches caudines anglo-américaines. En 1924, par ailleurs, les Etats-Unis adoptèrent la loi Johnson-Reed qui fixait un quota draconien : les immigrants d'un pays ne pouvaient entrer sur le territoire américain qu'à proportion de 2% de la population originaire dudit pays vivant aux Etats-Unis en 1890. Ouvertement raciste, ces Immigration Act fermait toute perspective de départ aux Japonais désireux de tenter leur chance dans le Nouveau Monde, alors que la crise de 1929 allait porter un coup sévère à l'économie nippone. Entre 1929 et 1931, ses exportations chutèrent de 40%, ce qui dévasta l'industrie et accrut le chômage.
Ces sombres perspectives amplifièrent le complexe obsidional de l'archipel. Confronté à une démographie croissante - il comptait soixante-quatre millions d'habitants en 1930, mais plus de soixante-dix millions en 1937-, le Japon ne pouvait pas tabler pour sa survie sur l'économie, alors frappée par le malheur des temps. Pis, les entraves protectionnistes sapèrent la confiance que la population plaçait tant dans la liberté du commerce international que dans le talent de ses hommes politiques, impuissants à juguler la crise. Dépendant de l'étranger en amont pour ses matières premières, en aval pour ses exportations, l'empire du soleil-levant en vint, tout comme le Reich, à privilégier, pour résoudre ses difficultés, l'expansion sur le continent. La Chine devint alors un pays de cocagne dans lequel le Japon espérait écouler ses produits avec d'autant plus de facilité que, depuis la guerre de 1894-1895, il méprisait cordialement les Chinois qu'il tenait pour des couards.
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Avec l'opération Barbarossa et l'entrée en lice du Japon, la guerre devenait soudainement et authentiquement mondiale. Mais l'expression "Seconde Guerre Mondiale" - bien qu'adoubée par la postérité - n'est en rien évidente. Les soviétiques préférèrent la formule de "Grande Guerre patriotique", utilisée par leur quotidien officiel, la Pravda, dès le 23 juin 1941 et encore reprise par les autorités russes aujourd'hui. La Chine évoque plutôt la "guerre de résistance contre le Japon", tandis que l'empire du Soleil-Levant, après avoir opté pour "les évènements de Chine" à partir de 1937, adopta après Pearl Harbor l'expression "guerre de la plus grande Asie orientale" avant de se convertir à partir du 15 décembre 1945 à la plus neutre "guerre du Pacifique" ou "guerre de l'Asie et du Pacifique". Signe que le sens du conflit n'a pas fixé de consensus dans le Japon contemporain, les témoins, lorsqu'ils évoquent cette période, hésitent et utilisent alternativement les termes "guerre du Pacifique", "guerre de Quinze Ans", "guerre de la plus grande Asie", "incident de Chine", "Guerre sino-japonaise", voire "guerre" tout court. Les Britanniques, pour leur part, oscillèrent longtemps entre "La Guerre" et "Seconde Grande Guerre", avant que Churchill publie ses Mémoires en 1947 sous le titre La Seconde Guerre mondiale, que les officiels britanniques entérinèrent en 1948. Même de Gaulle fluctua. Tout en affirmant dans son célèbre Appel que la guerre était "une guerre mondiale", il la réduisit dans son discours du 18 septembre 1941 à une "guerre de Trente Ans, pour ou contre la domination universelle du germanisme". Certes, l'aéronavale japonaise n'avait pas encore déclenché la foudre de Pearl Harbor. Mais le Général reprit l'expression avant comme après la victoire, évoquant par exemple - le drame de la guerre de Trente Ans" dans son discours de Bar-le-Duc du 28 juillet 1946. Il procédait ainsi à une désidéologisation du conflit, ramené à un sempiternel affrontement franco-allemand que Hitler, nouveau Kaiser, aurait poursuivi. La formule "Seconde Guerre mondiale" fut donc d'abord et avant tout utilisée par les Etats-Uniens, Roosevelt en tête. Ce faisant, il dressait un parallèle avec la Grande Guerre pour montrer qu'un monde nouveau, guidé par son pays, devrait naître des cendres de l'ancien, et convaincre son peuple que l'isolationnisme avait vécu. Il répliquait ainsi au Führer qui présentait lui aussi le conflit comme une lutte mondiale - le fruit d'une conspiration universelle ourdie par les juifs. Adopté en Occident et dans une certaine mesure cantonné dans son usage à l'Ouest, le terme comportait donc à l'origine une forte charge idéologique, ce qui invite à se pencher tant sur sa signification que sur ses implications.
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Outre le perpétration de massacres, les Allemands décidèrent d'affamer les soviétiques, civils inclus. Dès le 2 avril 1941, une réunion rassemblant Paul Körner (secrétaire d'Etat au Commissariat du plan quadriennal de Göring), le général Georg Thomas (responsable des questions économiques à l'OKW), Herbert Backe (secrétaire d'Etat à l'Alimentation et à l'Agriculture) ainsi qu'une douzaine d'autres responsables, trancha. Les ressources alimentaires de l'Union soviétique nourriraient et les forces armées et les civils allemands. Il s'agissait autant de résoudre les problèmes logistiques que rencontrait la Wehrmacht pour s'approvisionner que d'éviter une crise de l'arrière dont les conséquences avaient été funestes lors de la Grande Guerre. Transcrit dans le "plan général pour l'Est" commandé par Himmler, ce programme, finalisé en mai 1942 et approuvé par Hitler, fut adopté par le RSHA (Sûreté) en juillet 1942. Il prévoyait d'évacuer entre 80 et 85% de la population polonaise, 64% de la population ukrainienne et 75% de la population biélorusse, soit en la déplaçant à l'est, soit en l'affamant - un projet qui condamnait à mort trente et un millions de personnes, Juifs non compris. L'espace libéré serait alors colonisé par dix millions d'Allemands. Si ce "plan de la faim" ne fut pas appliqué stricto sensu, il reflète néanmoins les intentions génocidaires des dirigeants nazis, une perspective qui n'effarouchait par Hermann Göring. "Cette année, vingt à trente millions de personnes vont être affamées en Russie", écrivit-il placidement au comte Ciano le 15 novembre 1941.
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Stalingrad marqua un retour à des formes anciennes de combat. Alors que les campagnes de Pologne, de France et de Russie avaient été marquées par la rapidité, le mouvement et l'engagement de masses, cette bataille s'appuya sur des poignées d'individus qui s'affrontaient mètre par mètre, appartement par appartement, immeuble par immeuble, quartier par quartier. Ces combats rappelaient la Première Guerre Mondiale - ses tranchées, ses patrouilles et ses coups de main. Les lignes de front, proches, s'enchevêtraient, et les soldats luttaient à une faible distance les uns des autres. Ces rudes conditions usaient les nerfs, d'autant que l'atmosphère était saturée des bruits que faisaient les avions, les canons et les tirs. "L'air est rempli du hurlement infernal des stukas, du tonnerre de l'artillerie, du rugissement des moteurs, du fracas des chenilles de chars, du gémissement des lance-fusées et des orgues de Staline, du crépitement des armes automatiques, et l'on ressent, en même temps, l'oppressante chaleur d'une ville ravagée par les incendies", nota un officier allemand des blindés. D'autres se montraient sensibles au spectacle dantesque qui se déroulait sous leurs yeux. Comme le commissaire politique Dobrokine l'écrivit à Chtcherbakov, chef du Directoire politique de l'Armée rouge : "Ceux qui ont vu le sombre ciel de Stalingrad à ce moment-là ne l'oublieront jamais. Il est sévère et menaçant, d'un noir que viennent lécher des flammes pourpres."
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Vidéo de Olivier Wieviorka
Carte blanche aux Éditions Perrin Modération: Christophe DICKÈS, historien et journaliste Intervenant: Olivier WIEVIORKA, professeur à l'ENS Paris-Saclay À l'occasion de la publication de l'ouvrage : Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale d'Olivier Wieviorka (Éditions Perrin)
Dès la fin du conflit mais plus encore à partir des années 1970, les historiens s'emparent de la Seconde Guerre mondiale : Liddell Hart ou Keegan côté britannique, Duroselle ou encore Azéma en France. Bien vite, les écrits et analyses sur cette période foisonnent. Dès lors, comment continuer, aujourd'hui, à renouveler un sujet certes largement étudié mais cependant en rien éculé ? Comment les historiens contemporains réussissent-ils à adopter un angle résolument novateur pour, finalement, proposer une histoire inédite ? Comment parviennent-ils à s'appuyer sur les travaux de leurs prédécesseurs tout en apportant une matière neuve ? Olivier Wieviorka, historien et auteur spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, débattra de toutes ces questions.
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