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Citation de Marc21


Le quotidien compose aussi un néant agité : il nous épuise par ses contrariétés, nous dégoûte par sa monotonie. Il ne m'arrive rien mais ce rien est encore trop : je m'éparpille en mille tâches inutiles, formalités stériles, vains bavardages qui ne font pas une vie mais suffisent à m'exténuer. C'est cela qu'on baptise le stress, cette corrosion continue à l'intérieur de la léthargie qui nous grignote jour après jour. Comme si l'insignifiance elle-même réclamait son tribut. Sous le calme trompeur de nos vies décolorées se joue une guerre sournoise où l'anxiété, les soucis nous plongent dans un état de tension sans intention. Risible malheur qui ronge n'importe lequel d'entre nous et ne constitue pas une tragédie. «La vie s'en va par le cerveau et les nerfs (...) La nervosité moderne est le cri de l'organisme qui lutte avec le milieu» (Rosolino Coella). Les mille désagréments supportés ne forment même pas un événement mais suffisent à nous plonger dans cet état moderne par excellence, la fatigue. Une fatigue abstraite qui n'est pas la conséquence d'efforts particuliers car elle jaillit du simple fait de vivre, fatigue qu'on aurait tort de chasser avec du repos puisqu'elle est elle-même fille de la routine. Le quotidien ou la réquisition permanente : l'intimation à toujours répondre présent, au bureau, en voiture, en famille et même dans nos rêves. Et quel meilleur exemple de cette urgence que le portable : dès la première sonnerie il convie chacun à se ruer sur son sac, ses poches pour attraper le petit animal clignotant et bourdonnant. C'est d'ailleurs tout le développement technologique qui met en demeure ceux qui n'y adhèrent pas d'être écartés du groupe. Il faut souscrire ou périr, surtout chez les adolescents.
Autant de rappels, d'enrôlements qui nous dé¬tournent de nous-mêmes, nous mobilisent en permanence. Bardé de son bip, de son portable, de son baladeur, de ses oreillettes et bientôt de micro¬puces dans le cerveau, d'écrans dans les yeux, le nouvel homme prothétique, dégainant à chaque instant, relié à l'ensemble du monde, a tout d'un soldat qui mène une guerre sans fin. Epuisement et surmenage, nos vices modernes, disait Nietzsche. En lutte continue avec des fantômes, nous sommes victimes de dommages incalculables, grands blessés de la grisaille. Et le contraste est saisissant entre la morosité de notre vie et l'allure trépidante des images et des médias : le train rapide du monde accentue le train-train de mon existence. Tout bruit d'exploits et de drames et ma vie est si plate. C'est un étrange paradoxe qui veut que la banalité vienne à nous sous les traits du désordre et que l'asthénie s'impose sous le masque de la vitesse et du tour¬billon.
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