Patricia Martin-Deffrennes

Il me faut appeler des secours, la police.
Il faudrait ne pas être là, n'avoir jamais été là, n'avoir pas percuté ce pauvre type.
Je m'étais toujours demandé comment on pouvait commettre un tel geste, manquer à ce point d'humanité.
Maintenant, je sais.
Tout s'est fait mécaniquement. Je n'étais plus moi-même. Je me suis retrouvé chez moi, douché et couché.
J'aimerais bien vous dire que j'ai essayé plus tard de me dénoncer. Mais cela a été au-dessus de mes forces.
Je garde ce monstrueux secret. Littéralement, le secret d'un monstre. Je ne dors plus. Je en vis qu'en apparence et dans la dissimulation. Je ne parviens plus vraiment à lire non plus. J'ai perdu toute estime de moi. Au fond de mon coeur, dans mes tripes, partout en moi une peur immense et informe. Mais je garde le secret.
J'ai tué un homme sur cette route.
Je n'ai rien dit à personne.