Terre de feu
JOURNAL D’UNE SECONDE
1.
Je viens d’un pays
Qu’on ne saurait
Décrire sans
Le regard d’un pélican.
2.
Un pays
Où la nuit est
Eternelle, ainsi que les lacs
Et ses montagnes.
3.
Un pays fait de lumière
Et de pain frais,
D’arbres
Au visage
De colibri.
Terre de feu
JOURNAL D’UNE SECONDE
4.
Je viens d’un pays où
Tout est arôme,
Bruissement des yeux
Et volcans
En furie.
5.
Un pays que mes mains
Transportent
Comme je transposte
La vie
Sur les carrefours de
L’exil.
6.
Un pays de fleurs
Et d’arbres
en feu.
Un pays
où les vagues
de l’océan
aimantent
Le soleil
à l’aurore.
Tu marches
sous un ciel transparent
et ton allure est un fleuve
qui s’évanouit dans l’océan.
Queltehue que tes mains
découvrent entre les flammes
d’une maison de ronces.
Pour cette raison tu existes,
comme une horloge
dans la nuit,
À l’heure où le hibou
troque son
bracelet d’écailles.
Terre de feu
JOURNAL D’UNE SECONDE
7.
Un pays
en forme de poignard
telle une braise
brillante dans
la poche.
8.
Je viens d’un pays
qui habite dans une montagne
de cuivre et d’or
frémissant.
9.
Je viens d’un pays
lointain
que seule ma voix
et mes tempes
pourront reconnaître.
Mon pays
soleil vert
visage
sans
visage.
l'éternité pénètre le ventre de la nuit
Ma valise
Ma valise connaît toutes les gares du monde.
Je la nettoie, je l’astique.
Elle est en cuir, en cuir
De Patagonie.
Elle m’accompagne dans tous mes voyages.
Un jour nous étions tous les deux,
Face à une rue de Valparaiso.
Je la reconnais à sa forme, à sa façon
De parcourir tous les chemins.
Elle aura bientôt une année de plus.
De trop.
Je n’en sais rien.
Elle m’accompagne depuis toujours.
Elle porte mes chemises,
Un vieux parapluie rouge,
Un chapeau offert en 1960 par mon oncle Dario.
Elle porte mes crayons et mes carnets de poèmes.
Deux ou trois souvenirs sans importance : un peigne
Et un foulard, et un vieux pyjama
Acheté un matin pluvieux au marché de Prague.