Ce soir-là, Charlotte lut Colette, mais pour la première fois la lecture n'atténua pas son chagrin. Pourtant, elle affirmait d'habitude un livre me délivre. Elle posa son roman et la solution lui apparut, évidente : elle devait déverser sa peine dans son journal intime. Elle l'avait négligé depuis sa blessure, certes un exercice solitaire, mais il lui serait salutaire. Et peut-être même que sa mélancolie sublimerait son écriture. Elle eut un ultime doute avant de commencer : Je ne vais aligner que des banalités sur le mal le plus commun des hommes : l'amour . C'est alors qu'une citation de Colette lui vint à l'esprit : il faut avec les mots de tout le monde n’écrire comme personne. Mais son ultime coquetterie littéraire ne dura qu'un instant, car elle comprit qu'elle n'allait pas écrire pour écrire, mais pour survivre. Elle ouvrit son journal et nota d'un trait :
Mon âme agonisante dérive au fil des mots maudits.