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Citation de jbicrel


La lampe projetait des ombres sur les murs, et j'aurais pu croire que mon rêve continuait si j'avais été seul. Mais la présence de cet homme me semblait bien réelle. Et sa voix sonnait, très claire. Je me levai.
« Vous avez déjà des couvertures... »
Il me désignait les plaids écossais qui recouvraient les lits.
« Ils ont appartenu à M. Rigaud ? ai-je demandé.
– Certainement. C'est la seule chose qui est restée ici, à part les lits et l'armoire.
– Alors, il vivait ici avec une femme ?
– Oui. Je me souviens qu'ils habitaient là quand il y a eu le premier bombardement sur Paris... Tous les deux, ils ne voulaient pas descendre à la cave... »
Il vint s'accouder à côté de moi, à la fenêtre. Le boulevard Soult était désert et il y soufflait une brise.
« Vous aurez le téléphone, dès le début de la semaine prochaine... Heureusement, l'eau n'est pas coupée et j'ai fait réparer la douche dans la cuisine.
– C'est vous qui entretenez l'appartement ?
– Oui. Je le loue de temps en temps pour me faire un peu d'argent de poche. »
Il aspirait une longue bouffée de cigarette.
« Et si M. Rigaud revenait ? » lui ai-je demandé
Il contemplait le boulevard, en bas, d'un air songeur.
« Après la guerre, je crois qu'ils habitaient dans le Midi... Ils venaient rarement à Paris... Et puis, elle a dû le quitter... Il est resté seul... Pendant une dizaine d'années je le voyais encore de temps en temps. Il faisait des séjours ici... Il venait chercher son courrier... Et puis, je ne l'ai plus revu... Et je ne crois pas qu'il reviendra. »
Le ton grave sur lequel il avait prononcé cette dernière phrase m'a surpris. Il fixait un point, là-bas, de l'autre côté du boulevard.
« Les gens ne reviennent plus. Vous ne l'avez pas remarqué, monsieur ?
– Si. »
J'avais envie de lui demander ce qu'il entendait par là. Mais je me suis ravisé.
« Au fait, dites-moi si vous avez besoin de draps ?
– Je ne vais pas encore passer la nuit ici. J'ai toutes mes affaires à l'hôtel Dodds.
– Si vous cherchez quelqu'un demain pour votre déménagement, nous sommes là, moi et mon ami garagiste.
– Je n'ai presque pas de bagages.
– La douche marche bien, mais il n'y a pas de savon. Je peux vous en monter tout à l'heure. Et même du dentifrice...
– Non, je vais passer encore une nuit à l'hôtel...
– Comme vous voulez, monsieur. Il faut que je vous donne la clé. »
Il sortit de la poche de son pantalon une petite clé jaune qu'il me tendit.
« Ne la perdez pas. »
Était-ce la même clé dont se servaient, il y a longtemps, Ingrid et Rigaud ?
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