N’est-ce pas, tu resteras toujours la même ? Je ne peux pas imaginer que tu changes durant notre séparation. Moi je ne change pas. Je porte encore ce mouvant caractère, et tu as l’audace de t’y appuyer. On ne sait toujours point si les battements d’ailes de ce papillon sont joyeux, impertinents ou désolés. Ma stabilité, c’est toi seule.
Ah ! que tu deviennes gaie ou plus courageuse : l’affreux moyen de me trahir dont tu disposes.
Ce n’est pas que j’attende seulement de toi la répétition d’anciens gestes, de plaisirs déjà goûtés ; mais les émotions futures dont tu dois orner notre amour, semblables aux découvertes que fait encore l’oreille dans une musique mille fois reçue, je ne veux pas qu’elles m’étonnent par leur nouveauté, mais par leur harmonie même avec mes souvenirs.
Combien de fois, alors, mes pas ont dessiné sur ce dur plancher le dédale de mon angoisse ; combien de fois, alors, j’ai penché au miroir mes traits défaits, sans plus les pouvoir rassembler en une expression qui les embellisse ou qui les honore ; combien de fois j’ai fait volte-face dans mes promenades à travers la chambre, de peur que votre arrivée ne me surprît le dos tourné ; combien de fois je me suis précipité aux fenêtres, heurté aux volets entre-clos ; combien de fois j’ai hâté ma fin à vous attendre !
Mon amour, combien de fois je vous ai mis au monde !
D’ailleurs je me souviens du cri que vous laissâtes échapper quand, à travers l’étoffe, je pris dans ma main qui tremblait votre sein. C’est une caresse décisive que celle-là ; mais aussitôt vous posâtes votre main sur la mienne, non pour la retirer, mais pour l’appuyer, lui donner d’un plein consentement d’une étreinte plus forte tout votre amour dans la plus tendre chair de votre chair.
Si la solitude avait une couleur, je dirais qu’on en a peint les murs de ma chambre.
On ne voit guère dans cette pièce que des fleurs. Il y en a d’un mauve si doux qu’elles te ressemblent, il y a une rose qui s’aplatit en se fanant ; et, partout, de ces phlox dont l’odeur emprunte aux traînants soupirs de l’automne leur amère et secrète folie.
Les nuits où vous êtes trop en retard, où l’on dirait que vous venez du fond de la Chine, mes minutes s’empruntent, s’arrachent l’une à l’autre, pour mon martyre, les instruments de je ne sais quelle colère ou quelle justice dont le moindre n’est pas l’épouvante que m’inspire l’amour.
J’éprouvais un désir de vous qui allait jusqu’à la nausée et dont la satisfaction, tant il me taraudait, ne m’eût causé que de l’horreur.
Et la douleur court dans la chair comme une aiguille dans l’étoffe.