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Citation de moravia


Il était du parti depuis douze ans, quand, en septembre 1939, il fit savoir qu'il le quittait. C'était la faute inexpiable, ce péché de désespérance que le Dieu des chrétiens punit par la damnation. Les communistes ne croient pas à l'Enfer : ils croient au néant. L'anéantissement du camarade Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait, entre tant, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les témoins de sa vie, qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai : c'était un traître, un vendu ; il émargeait au Ministère de l'Intérieur et l'on y avait trouvé des reçus qui portaient sa signature. Des ouvrages qu'il avait laissés, un camarade se fit l'exégète bénévole : il y découvrit l'obsession de trahir : un auteur, disait ce philosophe, qui met dans ses romans des mouchards, d'où connaîtrait-il leurs mœurs à moins de moucharder lui même ? Argument profond, comme on voit, mais dangereux : en effet, l'exégétiste est devenu traître ; on vient de l'exclure ; faut-il lui reprocher d'avoir projeté sur sa victime ses propres obsessions ?
En tout cas, la manœuvre réussit : les livres suspects disparurent ; on intimida les éditeurs qui les laissèrent pourrir dans des caves et les lecteurs qui n'osèrent plus les demander. Cette graine de silence germerait ; en dix ans elle produirait la négation la plus radicale : ce mort évacuerait l'histoire, son nom tomberait en poussière, on exfolierait sa naissance du passé commun. [.................]
(Avant Propos de Jean-Paul Sartre - Mars 1960).
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