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Citation de Cleophyre_Tristan


Bien qu'on fût à la fin de décembre, le soleil rayonnait si fortement que même les créoles et les noirs en éprouvaient un peu d'incommodité. Parmi la poussière des routes que soulevait un vent brûlant comme un souffle de fournaise, chacun marchait, ébloui. Le sang battait contre les tempes. La cervelle paraissait prête à bouillir. On avançait, baigné d'une sueur chaude, bébété, la peau brûlée à travers les vêtements, les paupières fermées à demi pour diminuer l'aveuglant éclat de la lumière.
Colin, qui, ce matin-là, était allé en ville, revenait au logis, en suivant le bord de la mer. Leila, comme elle faisait quelquefois, l'avait accompagné.
Les flots reflétaient le ciel, couleur d'azur et de plomb. Pas une vague n'en soulevait la surface accablée. Quelques oiseaux marins, posés au loin, flottaient en dormant.
Muphti, l'épagneul favori de Colin, les suivait la tête basse, haletant de chaleur, en tirant une langue qui allait et venait d'un mouvement ininterrompu.
Non loin de la ville, des bois d'orangers chargés de fruits, des mimosas aux grappes d'or, des lamboyants couverts d'énormes fleurs couleur d'écarlate, descendaient jusqu'aux palétuviers du rivage, dont les racines, serpentant parmi les roches, étaient hérissées d'huîtres.
Les deux jeunes gens s'assirent sous l'ombrage. Muphti vint se coucher à leurs pieds.
Maintenant que les feuilles les préservaient du soleil, ils pouvaient quitter sans risque quelque vêtement. Colin ôta sa veste. Leila écarta le voile d'indienne qui cachait ses épaules. Son cou parut, aussi lisse qu'une colonne d'acajou blond, et sa poitrine présenta une surface polie qui se renflait au moment de disparaître dans lon plis du corsage. La mulâtresse était charmante ainsi. Ses cils épais veloutaient son regard, sa bouche humide et vermeille avait l'éclat d'un fruit posé sur un fond d'or. Aussitôt qu'elle souriait, une ligne d'ivoire l'éclairait ainsi qu'un rayon.
Colin la regardait.
Il ne put retenir ce compliment:
- Sais-tu que tu es fort jolie, petite Leila ?
- Oh ! Maître - répondit-elle avec timidité - moi suis encore beaucoup trop petite, oui, et trop maigre...
- Quel âge as-tu ?
- Dix-sept ans, oui, à la prochaine récolte du coton.
- Eh bien, c'est le temps où les filles songent à l'amour... Tu n'y penses jamais, toi ?
Les prunelles noires étincelèrent, puis se voilèrent presque aussitôt, et Leila répondit, non sans malice :
- Les affaires des agneaux ne sont pas celles des bergers.
Colin reprit :
- Tu es pourtant tout à fait aimable, à présent, Leila.
Elle secoua la tête.
- Oh non, Maître... Regarde-moi... Les femmes de mon pays, elles, quand elles sont belles, elles ont des grands tétés longs qui leurs viennent bien bas, pleins de lait pour les petits enfants.
Colin se mit à rire en montrant des dents de Jeune loup, et toucha la poitrine tiède et ronde que Leila faisait paraître avec ingénuité.
Elle était naïve, mais elle n'était pas ignorante. Depuis sa première enfance, elle avait constaté, en regardant par les fentes des cases, que les plaintes des amantes, pour être parfois aussi fortes que celles des accouchées, ont une cause moins douloureuse. Elle avait connu le premier choc du plaisir depuis l'âge de quinze ans. Mais elle n'avait pas poursuivi l'étude d'un art où tant de ses compagnes excellaient. Souvent, elle avait repoussé des sollicitations. C'est que son dévouement pour Colin était passionné, absolu. Elle aurait cru trahir son jeune maître en obéissant à tout autre homme que lui.
Aussi, tandis qu'il éprouvait, avec l'audace d'un débutant, la fermeté de ce que Leila n'estimait qu'à demi, celle-ci, d'abord, fit palpiter ses narines et ferma les yeux. Elle était flattée d'être distinguée par un Blanc, un être de race supérieure. Et elle était toute émue de sentir la caresse de Colin.
Pourtant elle ramena les bords de son châle sur l'objet du débat.
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