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Citation de enkidu_


Pourquoi la télévision ne s’était-elle pas plutôt transformée en bouts de métal et de plastique ? Après tout c’était là ses constituants ; c’était avec ça qu’elle avait été construite, pas avec une antique radio. C’était peut-être la vérification assez épouvantable d’une ancienne philosophie mise au rancart, la théorie des idées chez Platon, des archétypes qui, pour chaque catégorie d’objets, sont la seule réalité. La forme récepteur TV avait été une identité imposée succédant à d’autres identités qui se suivaient en chaîne, comme une procession de silhouettes dans une photo montrant la décomposition du mouvement. Les formes premières, songea-t-il, doivent continuer une vie invisible et résiduelle à l’intérieur de chaque objet. Le passé est latent, il est submergé mais toujours là, capable de remonter à la surface si les identifications ultérieures, par malheur et contrairement à l’expérience naturelle, disparaissent. L’homme contient, non pas l’enfant, mais tous les autres hommes antérieurs, pensa-t-il. L’histoire a commencé il y a bien longtemps.

Les restes racornis de Wendy. L’enchaînement de formes qui normalement se déroule… cet enchaînement a été interrompu. Et la forme dernière s’est consumée, sans rien pour lui succéder : sans forme nouvelle, sans stade suivant dans le cours d’une maturation, pour prendre sa place. Ce doit être ce que nous expérimentons avec la vieillesse ; c’est de cette absence que proviennent la dégénérescence et la sénilité. Mais dans ce cas c’est arrivé d’un seul coup – en l’espace de quelques heures.

Mais cette vieille théorie… est-ce que Platon ne pensait pas que quelque chose survivait au déclin, quelque chose d’interne qui ne pouvait se corrompre ? Le vieux dualisme : le corps séparé de l’âme. Le corps finissant comme l’a fait Wendy, et l’âme… hors de son nid comme un oiseau qui s’envole ailleurs. Peut-être, oui, pensa-t-il. Pour renaître à nouveau, comme il est dit dans le Livre des morts tibétain. C’est la vérité. Mon Dieu, j’espère que oui. Parce qu’en ce cas nous nous rencontrerons tous à nouveau. Comme dans Winnie l’Ourson, dans un autre coin de la forêt, où il y aura toujours un petit garçon et son ours en train de jouer… Impérissables. Comme nous tous. Nous finirons tous dans un lieu plus clair et plus durable, un lieu nouveau. (pp. 177-178)
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