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Citation de dourvach


« Dire que je suis né dans une bâtisse aussi délabrée », se dit-il en poussant la grille.
Un chien se mit à hurler dans l'arrière-cour. Bruce aperçut une lumière jaunâtre derrière les stores des fenêtres du séjour, d'où braillait la télévision. Devant le garage en ruine se trouvait la même carcasse rouillée inutile d'une Dodge 1930 ; Bruce s'était souvent amusé dedans dans son enfance.
« J'habitais ici quand j'allais à l'école primaire Garret A. Hobart. »
Les fenêtres de la cave étaient couvertes de toiles d'araignée ; l'un des carreaux présentait une fissure qui avait été bouchée au moyen d'un chiffon. Son père ne dormait donc plus en bas, maintenant que lui et Franck avaient quitté la maison. Il devait avoir pris une de leurs anciennes chambres à l'étage.
Jadis, son père dormait le jour, se levait à 22 heures et soulevait la trappe pour faire une brève apparition, le temps de se raser et de manger quelque chose , avant de partir à son travail. Dans la journée, il se reposait sous leurs pieds, sous le plancher. En compagnie des bocaux d'abricots, des vieux meubles et des rouleaux de fil électrique.
Le matin, de retour à la maison, son père tapait ses vêtements pour en faire tomber la poussière blanche dont il était recouvert ; dans son emploi à la Boulangerie Blanche-Neige, il restait constamment enfoui dans la farine jusqu'aux coudes. Ensuite dans la cave, il se plongeait dans une autre poussière blanche : celle du plâtre, due à son éternel bricolage de nouvelles cloisons. Il avait l'intention d'aménager plusieurs pièces dans la cave, d'installer un appartement indépendant, avec W.-C. et cabinet de toilette, qu'il pourrait louer. La guerre avait mis un terme à son approvisionnement en matériaux. Dehors, le long de l'allée, des rouleaux de fil barbelé et des tas de panneaux de contreplaqué rouillaient et pourrissaient sous les fientes d'oiseaux. Des sacs de ciment s'humidifiaient et se désagrégeaient, hérissés par endroits de maigres herbes. Avant d'aller se coucher vers 14 heures, son père sciait du bois dans la cave, remplissant ses poumons de sciure. Consciencieusement, il inhalait poussière de bois, de farine, de plâtre, plus, en été, le pollen des champs.

[Philip K. DICK, "In Milton Lumky Territory" / "Aux pays de Milton Lumky" / "Sur le territoire de Milton Lumky", années d'écriture du roman : 1958 et 1959, publication posthume, The Estate of Philip K. Dick, 1985 — traduit de l'américain par Isabelle Delord-Philippe pour les éditions Christian Bourgois, coll. 10/18 (Paris), 1992, traduction revue par Sébastien Guillot pour les éditions J'ai Lu (Paris), 2012 — Chapitre 8, pages 157-158]
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