La voie était donc libre au festival de signes l'habillant. L'accumulation des Mariannes comme, on lui cherche une âme. Reine des métamorphoses, tout lui est bon pour dire son universalisme. Justement un universel effrité qui est relatif. Serait-elle l'image même de l'érosion de la déflation et pour tout dire de la chute ? À remonter à ses sources qui ne sont pas d'eau mais de fluentes idées, elle raconte une table rase, un degré zéro, au delà de ce point il n'y a plus rien, et en deçà non plus puisqu'elle est née d'un big-bang. Dans cette mesure, elle est pathétique, d'où ses flous.
Notre Marianne agglomère les bonnes volontés de ceux qui y croient encore. N'être plus qu'à la péripétie de l'histoire, une péripétie dans le concert des nations, une vaguelette mourant sur le rivage. Marianne a l'air de s'absenter, elle est l'électron gravitant autour d'un noyau qui, par définition, la repousse ; elle n'a pas le destin d'un électron libre, elle est un satellite subordonné. Sans marge de manœuvre ou très réduite, la radicalité de l'advenu. Emportée loin d'elle-même, telle qu'elle n'est plus dans sa représentation que l'embaumement de ce qu'elle fut.
Marianne se construit comme un objet fractal. La plus petite partie est à l'image du tout, et c'est même là tout son intérêt : convoquer une image cristallisant les passions françaises. Une matrice depuis la guerre, une fontaine de Jouvence où se baigner dans le renouveau, point cardinal de l'absolu républicain, elle est seule, oui presque, dominante et dominatrice, l'élue, elle se multiplie et accumule sur elle les signes du temps. Son avenir est-il confiné à n'être plus que le simulacre d'une symbolique épuisée ou évanouie ?
Marianne s'accorde avec l'histoire, qu'importe la disparition des signes l'ayant animée, son nom suffit à dire la République. Présente contre vents et marées, elle ne se fatigue pas d'être elle-même. Notre Marianne a un goût d'éternité. Les écueils sont passés, les périls des temps anciens disparus.