Philippe Charrac vous présente son ouvrage "
La trilogie bordelaise. Vol. 3. Vengeance" aux éditions Cairn.
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Depuis le toit plat de l’immeuble de quinze étages, recouvert de toiles goudronnées que la pluie a détrempées, Lazare Servent contemple la fin de la nuit la plus courte de l’année. L’orage a fini par cesser. Il regarde le ciel à l’est, déjà franchement rose et qui vire rapidement au bleu. À cette hauteur, l’air est frais et il y a un peu de vent. L’homme s’approche du vide et se penche. Il ignore sa tête qui tourne, sa vision qui se déforme, s’approche encore, pose un pied sur le rebord en ciment large d’à peine vingt centimètres, hésite, pousse sur sa jambe que la peur raidit et force son deuxième pied à rejoindre le premier. Le voici en équilibre au bord du précipice, tel une gargouille maudite.
« Bonsoir Lazare.
– Bonsoir Claude. »
Le ton entre les deux hommes est glacial. Le lieutenant Servent entre dans la pièce sans autre formalité, empiétant sans précaution sur le territoire du brigadier-chef Giraud, le repoussant presque physiquement par la seule force de son imposante présence. Dépossédé de sa scène de crime, l’enquêteur se réfugie contre le mur du fond, près de la fenêtre laissée ouverte.
Le premier meurtre ressemble à l'oeuvre d'un funambule détraqué. Le second à celui d'un fantôme déchaîné. Insaisissable, mystérieux, un assassin invisible et sadique hante et traverse en silence les nuits de Bordeaux. Il tue et dépèce des adolescentes dans leur chambre, avant de brouiller ses traces pour lancer la police sur de fausses pistes. Embarqué dans ce jeu mortel mais encore en deuil, à peine revenu de son enfer personnel, Lazare Servent se lance à la poursuite du meurtrier, sans imaginer une seule seconde que ce monstre fait partie de son monde. Et qu'il profite de sa double vie pour surveiller et anticiper, tapi dans son ombre, les moindres faits et gestes du lieutenant
Elle reste quelques secondes immobile, stupéfaite, ahurie. Puis elle décide brusquement de retourner à sa voiture pour partir le plus rapidement possible. Elle fait demi-tour, claudique jusqu’au petit meuble de l’entrée où elle a déposé ses clefs quelques instants auparavant. Mais le trousseau n’est plus là ! Abasourdie, Marie-France fouille frénétiquement les poches de son manteau, en vain. De toute façon, elle se souvient parfaitement avoir déposé les clefs sur le meuble. Et maintenant, elle n’a plus le luxe du temps pour réfléchir : à sa droite, la porte de la cuisine s’ouvre.
L’homme n’est pas très grand, mais il est large, athlétique, musclé.
Si sa proie avait été réveillée, il aurait dû lui sauter dessus en profitant de l’effet de surprise avant qu’elle ne puisse crier. Et s’il avait échoué, il aurait dû s’enfuir par cette même fenêtre avant que le père de famille, qui dormait probablement affalé sur le canapé du salon, ne fasse irruption dans la chambre pour sauver sa fille. Mais il n’a pas peur de toute façon, pas vraiment. Il a tout calculé. Il aurait juste terriblement regretté que sa première fois se passe de façon précipitée. Là, il a tout son temps. Tout le temps d’en profiter, d’en profiter vraiment.
Maintenant qu’il est mort, Marie-France ne se sent ni le courage ni l’envie de poursuivre l’œuvre de son défunt mari. Ils n’avaient eu aucun enfant, ce qui ne constituait pas un regret pour elle, jusqu’à aujourd’hui. Il n’y a personne en particulier à qui léguer le domaine. Alors elle veut le laisser à un authentique passionné, qui saura donner son sang et sa sueur à cette terre sèche couverte de vignes et dotée d’une appellation prestigieuse dans le Pessac-Léognan. Mais pour le moment, ses recherches pour trouver la perle rare restent vaines.
Le chasseur dégaine son couteau. Par la fenêtre ouverte, la pluie continue à entrer et forme une petite mare sur le lino. Il s’approche encore un peu plus et se penche sur l’adolescente à la peau brune. Son regard s’attarde sur les seins qui pointent à travers le fin tissu d’un T-shirt, et sur le renflement du pubis sous une simple culotte de coton blanc. Il savoure ce moment encore quelques instants puis, n’y tenant plus, il plaque brutalement la paume de sa main gauche sur la bouche de sa victime profondément assoupie.
Marie-France de Lautrans franchit le pont qui enjambe l’A62 au volant de son break Volvo gris foncé. Les phares des autres voitures qui se reflètent sur l’asphalte mouillé l’aveuglent un peu, et elle ralentit nettement l’allure pour quitter la nationale 113 et s’engager sur une route étroite à sa gauche. Les chênes-lièges font un toit au-dessus de la chaussée étriquée. Il n’est que dix-neuf heures, mais il fait nuit noire, car c’est déjà la fin du mois de novembre de l’année 2003.
Du sang continue à s’écouler du corps ravagé de la jeune fille. Le matelas en absorbe une partie, mais une flaque sombre commence tout de même à se former sur le sol, s’étalant vers le pas de la porte. Le chasseur se sent merveilleusement bien. Apaisé. Il sait que cela ne durera pas, mais cela ne doit pas l’empêcher de profiter de ce moment de plénitude, n’est-ce pas ? Puis il se met enfin au travail : il a une scène de crime à élaborer à l’intention de la police.
Marie-France s’écarte, trébuche dans la flaque de sang qui s’est répandue au hasard des irrégularités du carrelage. Elle tombe lourdement sur une fesse et ressent une douleur brutale. Elle crie. Elle s’accroche au bord de la console centrale, crie à nouveau en se relevant, puis appelle Robert, plusieurs fois, en se demandant où il peut bien être.
Son cerveau ne fonctionne plus très bien. Elle ne se demande même pas si l’agresseur a quitté les lieux.