Quelques larmes d'émotion coulèrent sur les joues de Frotmont. En écoutant frère Béranger, il songea à ce qu'il était devenu depuis ces années de vie monastique. En regardant son maître,serein face à la mort, confiant dans les avenirs dont on ne savait rien, il pensa que plus aucune basse pensée ne l'atteindrait. Là, assis à l'ombre des pommiers, dans le verger planté au-dessus de la mer, il se sentit un homme neuf, libre et dépourvu d'entraves, léger, pas plus proche de Dieu qu'auparavant mais plus près de certaines vérités qu'il cherchait. Son regard croisa celui de frère Béranger qui le considérait avec sur les lèvres un rictus de fin de vie. Il souriait à ce disciple qui ne soupçonnait pas encore ses avenirs.
Il ne se passait pas de jour sans qu'il revît le visage de cet homme de bien, de grande culture et qui lui avait inculqué, sans jamais le lui dire franchement, que même les hommes de Dieu ne devaient pas se passer des doutes. " Les doutes sont les garants d'une intelligence agile, lui avait dit un jour le magister, la foi définitive est soeur d'ignorance. Avec elle vient la barbarie." Frotmont se rappelait souvent ces paroles.
Il n'y a pas pire imbécile que celui qui est sûr d'avoir tout compris. S'il ne reste pas une part de doute, il n'y a pas d'avenir possible.
(p.148)
Jusqu'ici, tu suivais les jours dans leur platitude sans différences mais aujourd'hui, tu sais, tu sens ce qui est en toi, c'est toi qui vas faire de tes jours les étonnements de ta vie.
(p.130)
Je crois avoir posé la même question à mon maître autrefois. Il m"a répondu que nous avions pas suffisamment compris la vie et les mystères de la foi pour pouvoir nous libérer des symboles.