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Citation de NotaBene


Un vieux monsieur s'approcha; il tendait un index fébrile vers le faîte d'un mur. Des bribes de yiddish tombaient de ses lèvres en un murmure désolé. Gustave Meyer ne put lui refuser le service qu'il demandait à la cantonade : chercher un nom à sa place car il ne voyait pas si loin si haut, même si son regard était profond.
"Alors, vous trouvez?
- Il y en a bien un, un seul qui correspond : Piotrkowski, David.
-Et puis?
- 1908.
- C'est lui, mon père. Je suis venu d'Argentine juste pour ça. Dommage que..."
Il n'implorait pas, ne se lamentait pas. Il se voulait juste fidèle à l'honneur d'être vivant. Mais tout dans son regard bleu humide, dans la tension de son cou vers le ciel, dans sa vaine tentative de se dresser sur le bout de ses pieds, tout reflétait le regret de ne pas voir son père en lisant son nom. Quelques minutes après, Gustave Meyer revenait accompagné d'un gardien du musée portant une échelle à l'épaule. Ils ne furent pas trop de deux pour y hisser le vieux monsieur et l'y maintenir au sommet sans risquer une chute. Tous les visiteurs s'étaient immobilisés pour contempler cette scène inédite : un homme juché dans les hauteurs, tout de larmes muettes, secouant le tête de gauche à droite, submergé par une expérience qui le dépassait, touchant du doigt une inscription, la touchant encore jusqu'à la caresser, ressuscitant en lui la souffrance de son père. On aurait dit que tout le Mémorial retentissait secrètement de l'écho de sa voix. C'était comme s'il l'avait retrouvé après une trop longue absence.
(...) On dit que le temps fait son œuvre. Cet homme témoignait de ce que le temps ne s'efface pas.
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