LA FRÉGATE VIDE
Si tu reviens un jour vers moi, belle frégate,
Toi dans les flancs de qui ma jeunesse, à foison
Prodigua les béryls, les sardoines, l’agate,
Dis-moi, qu’auras-tu fait de cette cargaison ?
-Selon le cercle bleu des pâles longitudes,
J’ai semé, diras-tu, ces chers, ces purs trésors.
Leurs destins, tour à tour héroïques et rudes,
Font qu’ils dorment là-bas, parmi tant d’autres morts.
Je te reviens pourtant. Condamne, si tu l’oses,
Le seul lien qui t’attache à ceux qui ne sont plus !
Oh ! n’as-tu donc jamais senti l’odeur des roses
Survivre encore à leurs pétales révolus ?
Les bijoux eux aussi survivent à leur perte :
Ceux que tu chérissais ne sont plus à mon bord,
Mais ma cale nocturne et ma soute déserte
Ont encore le reflet de leur lumière d’or.