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Critiques de Pierre Duhem (4)
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Sauver les apparences : Essai sur la notion..

Quel est le statut que l'on doit accorder aux thèses héliocentriste et géocentriste et donc quel est le statut de toute théorie physique ? C'est la question que pose Duhem dans ce livre très complet. Il y répond en relatant l'objet de la physique dans L Histoire : pour Platon, l'astronomie rend compte des apparences (ou sauve les phénomènes, sous-titre de ce livre), pour Aristote il s'agit d'étudier la nature des corps célestes, pour Ptolémée les hypothèses astronomiques sont des fictions de géomètres : toute théorie sauve les apparences. Jusqu'à Copernic où l'héliocentrisme n'est plus une fiction mais une conformation à la réalité. Galilée embrasse son système contre le dogme aristotélicien de l'Eglise qui défend une Terre fixe… Duhem propose le concept instrumentaliste suivant : les théories sont des instruments pour expliquer le monde et ne peuvent être interprétées comme se conformant à la réalité. La physique ne décrit pas la réalité ultime et ne se prononce pas sur la métaphysique.
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La théorie physique : Son objet, sa structure

La physique a pour objectif de résumer et classer les lois théoriques qui représentent les lois expérimentales. La physique n'explique pas, ceci est du ressort de la métaphysique, elle décrit. Cette classification, qui épure, élimine, affine, corrige s'oriente vers une classification naturelle, c'est-à-dire un ensemble ordonné et cohérent. Le travail de Duhem vise à préciser les modalités de développement de cette classification.



Les lois physiques ne sont ni vraies ni fausses. Si elles sont vérifiées par la pratique, c'est-à-dire dans le cadre d'une expérience dont les hypothèses, les modes de mesures, les théories utilisées pour réaliser la mesure, etc, alors elles sont dites valides. Cela signifie que leur capacité à représenter la réalité est jugée "acceptable".

Rien d'autre n'est requis pour valider une théorie et surtout pas la validité des hypothèses de sa mise au point. Celles-ci sont indéfinissables : elles peuvent être extraites de théories concurrentes, voire incompatibles entre elles, elles peuvent être logiques ou intuitives - le principal est qu'elles ne se contredisent pas entre elles.



Les découvertes sont toujours longues et font intervenir un grand nombre de travaux différents, voire reposant sur des théories incompatbiles entre elles. Peu importe : deux théories qui représentent de manière acceptable la réalité peuvent être dites valables. Un jour viendra où l'une d'elle ou les deux seront dépassées par des représentations plus acceptables. En attendant, a priori de son travail, le physicien ne doit pas tenir compte de présupposés.



Pierre Duhem vilipende la tendance contemporaine (nous sommes en 1905) à favoriser une physique pragmatique et utilitariste rendue nécessaire par les besoins de l'industrie sous l'impulsion de la mode et de l'économie anglaises. De même, la vulgarisation qui emprunte l'emploi courant de mots dont la signification symbolique en science physique s'est établie au long de plusieurs siècles, voire millénaires, sous le prétexte de rendre les explications physiques plus abordables serait responsable de raisonnements erronés et d'une mauvaise compréhension et d'une déconsidération de l'objet et de la finalité de la science physique par la population non initiée. Il déconsidère également le mécanisme, dogmatique et factice dans ses prétentions à vouloir expliquer la finalité de toute chose.



Il est difficile de résumer en détail le travail de Duhem qui est d'une clarté et d'une lisibilité impressionnante. La synthèse qu'il étend sur quarante page des développements qui ont mené de l'interrogation sur la chute des corps en Grèce à la mise au point de la théorie de la gravitation universelle par Newton est en particulier passionnante. La précision, la rigueur, la passion et l'humilité guident manifestement ce travail qui fait aimer la physique et offre d'excellentes réponses au scepticisme pragmatique ambiant. le temps reprend ses droits, la valeur du travail est réhabilitée, la notion de vrai est clarifiée, l'imagination intuitive côtoie la rigueur logique, la science est une aventure humaine, le dogme et les vérités éternelles sont rejetées : tout dans ce travail invite à la réconciliation, à se rapprocher de la simplicité de l'authenticité.
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La théorie physique : Son objet, sa structure

Comment lire cet essai d'épistémologie un peu plus d'un siècle après sa publication ? On le lira comme s'il n'avait rien perdu de son actualité : les idées exposées sont particulièrement modernes, sans pour autant être en rupture avec la physique de l'époque. Les concepts de classification, d'abstraction, de prédiction et de modélisation prennent en effet un sens résolument spécifique, sans jamais se confondre.



Il y a deux grandes manières de concevoir une théorie physique : on peut la concevoir comme une explication (et les théories explicatives suivront le sort de la métaphysique à laquelle elles sont alors subordonnées) ou comme une classification abstraite, c'est-à-dire une représentation. À Duhem, il apparaît bien que la part explicative se greffe sur la part classificatoire et représentative, qu'elle en parasite le système. La nomologie survit en effet à l'effondrement d'un système explicatif. Mais n'est-ce cependant pas là assigner à la physique un certain échec ? Si Duhem préfigure l'épistémologie contemporaine, n'est-ce pas là trouver l'expression d'un certain nihilisme scientifique et qui, d'ailleurs, se retrouverait aussi dans la semblable doctrine du noumène kantien ? Ou bien, la physique ainsi entendue doit-elle s'expliquer par la métaphysique qui, loin de dicter à la physique ses lois, en exposerait les concepts ? Ces questions fondamentales, si elles font sens, ne trouveront dans cette seule épistémologique aucune réponse, car elles demandent déjà de revenir à la nature des choses, quoiqu'on envisage comme nature.



Duhem ne s'arrête évidemment pas là. Il va montrer, une fois la conception représentative admise, que deux types très généraux d'esprits ont une notion différente de l'économie intellectuelle qui caractérise la nomologie. S'appuyant sur Pascal, Duhem va associer à la plupart des Anglais un esprit "ample mais faible", à la plupart des Français et des Allemands un esprit "fort mais étroit". Les premiers ont l’esprit de géométrie, d'imagination : au lieu de déduire, ils calculent et illustrent. Les second, mal compris des premiers, ont l'esprit de justesse, d'abstraction : ils ont du mal à comprendre la chaotique complexité des premiers et préfèrent ordonner les lois en principes généraux et abstraits. Ces différences viendraient jusqu'à expliquer des différences culturelles, par exemple entre le droit anglais et le droit romain.



Jusqu'ici, Duhem s'attardait sur l'objet de la théorie physique. La seconde partie de l'œuvre va traiter de sa structure, d'une manière qui semble encore correspondre à la science actuelle. Retenons plusieurs thèses architectoniques :

- La physique est mathématisée, mais on peut conserver la notion de qualité en tant que l'algèbre raisonne aussi sur les intensités d'une qualité

- Une qualité première est irréductible en fait et non en droit

- À un même fait peut correspondre plusieurs faits théoriques, notamment du fait des incertitudes expérimentale : l'utilité d'un développement mathématique dépend ainsi aussi de l'instrumentation. Si à partir d'un contenu à-peu-près vrai on infère toujours un contenu à-peu-près vrai sur le plan physique, le développement est utile. Mais si à partir de deux données approximatives très proches et différant du fait des incertitudes - ces données étant alors équivalentes pour le physicien (et différentes pour le mathématicien) - il n'est pas possible d'inférer des résultats qui, par rapport à l'expérience et son incertitude, restent physiquement vrais dans les deux cas (et donc globalement proches), alors le développement mathématique n'est pas utile, même s'il est mathématiquement irréprochable et si la pure logique autorisait encore son application. Cela suppose des mathématiques finalement plus raffinées.

- Une observation, du fait du fonctionnement de l'instrumentation et des présupposés qui l'accompagnent, est toujours accompagnée d'une interprétation théorique et il n'existe, pour cette raison, aucune expérience cruciale (comme le croirait la doctrine d'un certain Popper, naïve sur ce terrain). L'expérience remet en cause un ensemble théorique sans indiquer quel élément théorique pose l'inadéquation : il faudra toute l'habileté du physicien pour le déterminer.

- Une loi physique n'est ni vraie ni fausse, elle est toujours provisoire. Elle peut convenir en fonction des incertitudes admises à une certaine époque et plus à une autre.

- Une hypothèse n'est pas une création spontanée et se produit chez les physicien sans lui.
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La théorie physique : Son objet, sa structure

Tout à fait efficace pour décaper un certain nombre de bêtises épistémologiques mais dieu que c'est long et simpliste (comme ce chapitre où on nous explique que 2+2 = 4 ou celui, complètement naïf, sur le rapport de la théorie scientifique à la logique, où il nous montre que la théorie n'a pas à respecter le principe de non-contradiction. Et d'où ça sort, ça ? D'un "sentiment inné" qu'il est impossible d'expliquer par la "pure logique". Argument circulaire du siècle.) !
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