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Citation de Partemps


« […] on n’a jamais raison de mépriser la mort […]. »

François de La Rochefoucauld (1678, 113)

« Benito Cicoria, une trentaine d’année, tailleur pour dames à Paris. Petit, coquet et hégélien. Bien qu’italien d’origine, il appartenait à une école d’alpinisme que l’on pourrait – grosso modo – appeler l’«école allemande». On pourrait ainsi résumer la méthode de cette école : on attaque la face la plus abrupte de la montagne, par le couloir le plus pourri et le plus mitraillé par les chutes de pierre, et l’on monte vers le sommet tout droit, sans se permettre de chercher des détours plus commodes à gauche ou à droite ; en général, on se fait tuer, mais, un jour ou l’autre, une cordée nationale arrive vivante à la cime. »

René Daumal (1952, 54-55)

Je voudrais rapidement poser les linéaments d’une philosophie de l’alpinisme avec la conviction qu’une réflexion sur ce sport pousse à penser, avec une singulière radicalité et plénitude, la dimension éthique de tout sport. Par dimension éthique je veux dire ce par quoi l’activité sportive ne participe pas seulement d’une morale normative apprenant à chaque individu qui le pratique un système de valeurs, une structure d’interdits ou de permissions, un ensemble de comportements ou d’attitudes réglés, mais plus fondamentalement (et de manière plus ouverte et plus souple), ce par quoi l’activité sportive participe à l’édification, à l’éducation ou à l’institution de la personne humaine. Par le détour du sport qui est ce que les Anglais appellent un disport, par le biais ou par l’obliquité d’une activité de divertissement et de déport, se livrerait ainsi la dimension ou la destination éthique de l’homme comme cet être conscient qu’il n’est ni une chose ni un animal, comme cet être conscient de sa dignité et de sa valeur absolue (de sa non patrimonialité) parce qu’il est justement une conscience marquée par la rationalité, l’autonomie, la responsabilité et la liberté. La personne humaine n’est pas seulement un individu, c’est-à-dire une entité corporelle indivisible (tel est le sens propre d’individu) comme condition indépassable de son existence. Elle est aussi sujet qui se pose comme tel en disant «je» (le sujet est auto-position et autonomie). Elle est enfin une personnalité singulière qui n’existe pas dans la solitude et l’abstraction d’un strict rapport à soi parce qu’elle est profondément et concrètement constituée. Cette constitution s’effectue socialement, culturellement et historiquement en une éducation qui fait de la personne un réseau de relations et un tissu de symboles.

Ce réseau et ce tissu sont par définition partagés : ils existent en commun. Bref, la personne humaine est à la fois un principe et un processus : un principe d’affirmation de soi et de sa liberté ; un processus d’engendrement au sein du dialogue avec les autres personnes. En dehors de ce dialogue où la personne communique avec d’autres « je » qui lui sont tout à la fois différents et équivalents (dialoguer, c’est en effet reconnaître l’autre dans son altérité c’est-à-dire dans une différence qui possède la même valeur que la mienne), la personne, foncièrement dialogique (ou sociale ou intersubjective comme l’on voudra), n’existe pas.Or, la mise au jour de toutes ces déterminations rapidement évoquées de la personne humaine se ferait, selon moi de façon exemplaire, dans la pratique de l’alpinisme. La question est alors la suivante : d’où viendrait l’aspect proprement paradigmatique de cette pratique qui, pour utiliser une formule de Jean-Jacques Rousseau, « rapproche le plus l’homme de l’homme », c’est-à-dire livre à l’homme la vérité de sa propre humanité ? En quel sens l’alpinisme aurait-il, de façon non exclusive bien sûr, cette vertu particulièrement décapante ou radicale par laquelle il serait l’un des lieux de la manifestation et l’un des instruments de la constitution de la difficile et complexe liberté humaine ?
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