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Citation de Lamifranz


Scène de la cuisine


MAITRE FOLACE : Vous croyez qu’ils oseraient venir ici ?
MONSIEUR FERNAND : Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît.

Les Volfoni sonnent à la porte et entrent.

PAUL VOLFONI : T’es sûr que tu t’es pas gouré de crèche ?
RAOUL VOLFONI : J’me goure jamais, en rien.
UNE INVITEE : Scotch ou jus de fruit ?
RAOUL VOLFONI : Rien ! Si c’est notre pognon qu’ils sont en train d’arroser, les petits comiques, ça va saigner ! dites donc, mon brave…
JEAN : Monsieur ?
RAOUL VOLFONI : Il est là, votre patron ?
JEAN : Qui demandez-vous ?
RAOUL VOLFONI : Monsieur Fernand Naudin.
JEAN : Monsieur Fernand…
RAOUL VOLFONI : …Fernand l’emmerdeur, Fernand le malhonnête, c’est comme ça que j’l’appelle moi.
JEAN : Si ces messieurs veulent bien suivre…
RAOUL VOLFONI : Et comment ! Alors tu viens, dis !
JEAN : Si vous voulez bien vous donner la peine d’entrer.

Dans la cuisine

RAOUL VOLFONI : Bougez pas ! Les mains sur la table. J’vous préviens qu’on a la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours
JEAN : Si ces messieurs veulent bien me les confier…
RAOUL VOLFONI : Quoi ?

Patricia fait irruption dans la cuisine.

PATRICIA : Oh non, on est encore en panne de sandwiches. Tu sais, mon oncle, si tes amis veulent danser…

Patricia ressort de la cuisine.

JEAN : Allons vite, messieurs, quelqu’un pourrait venir, on pourrait se méprendre, et on jaserait. Nous venons déjà de frôler l’incident.
MONSIEUR FERNAND : Tu sais ce que je devrais faire, rien que pour le principe…
RAOUL VOLFONI : Tu trouves pas que c’est un peu rapproché ?
PAUL VOLFONI : J’te disais que cette démarche ne s’imposait pas. Au fond, maintenant, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action. L’époque serait aux tables rondes et à la détente. Hein ? Qu’est-ce que t’en penses ?
MONSIEUR FERNAND : J’dis pas non.
RAOUL VOLFONI : Bé dis donc, on est quand même pas venu pour beurrer des sandwiches ?
PAUL VOLFONI : Pourquoi pas ? Au contraire, les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse. Surtout lorsqu’elles constituent le premier pas vers des négociations fructueuses. Hein ?... Merci.
MONSIEUR FERNAND : Maître Folace, vous avez oublié de planquer les motifs de fâcherie.
PAUL VOLFONI : Oh, monsieur Fernand…
MONSIEUR FERNAND : Tu connais la vie, monsieur Paul… Mais pour en revenir au travail manuel, ce que vous disiez est finement observé. Et puis ça reste une base.
RAOUL VOLFONI : Ça, c’est bien vrai. Si on rigolait plus souvent, on aurait moins souvent la tête aux bêtises.

Une invitée fait irruption dans la cuisine.

UNE INVITEE : Bonjour. Mais où il est Jean ?
MAITRE FOLACE : Qu’est-ce que vous lui voulez ?
L’INVITEE : Y a plus de glace et y a plus de scotch !
MONSIEUR FERNAND : Maître Folace, donnez-lui des jus de fruit, allez…
L’INVITEE : Pas de jus de fruit, du scotch, vos jus de fruit vous pouvez vous les…
MAITRE FOLACE : … Allons, mademoiselle ! l’oncle de Patricia vous dit qu’il n’y a plus de scotch, un point c’est tout.
L’INVITEE, tendant la main vers l’argent qui traîne sur la table : Vous n’avez qu’en acheter avec ça.
MAITRE FOLACE : Touche pas au grisbi, salope !
RAOUL VOLFONI : L’alcool à c’t’âge là !
MONSIEUR FERNAND : C’est un scandale, hein ?
RAOUL VOLFONI : Nous par contre, on est des adultes, on pourrait peut-être s’en faire un petit ?
MONSIEUR FERNAND : Ça, le fait en est. Maître Folace ?
MAITRE FOLACE : Seulement, le tout venant a été piraté par les mômes. Qu’est-ce qu’on fait, on s’risque sur le bizarre ? Ça va rajeunir personne.
RAOUL VOLFONI : Ben nous voilà sauvés.
JEAN : Tiens, vous avez sorti le vitriol ?
RAOUL VOLFONI : Pourquoi vous dites ça ?
MAITRE FOLACE : Eh !
PAUL VOLFONI : Il a pourtant un air honnête.
MONSIEUR FERNAND : Sans être franchement malhonnête, aux premiers abords, comme ça, il… a l’air assez curieux.
MAITRE FOLACE : Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a dû arrêter la fabrication, y a des clients qui devenaient aveugles. Oh, ça faisait des histoires.

Ils boivent.

RAOUL VOLFONI : Faut reconnaître, c’est du brutal !
PAUL VOLFONI : Vous avez raison. Il est curieux, hein ?
MONSIEUR FERNAND : J’ai connu une polonaise qu’en prenait au petit déjeuner. (Il boit). Faut quand même admettre que c’est plutôt une boisson d’homme. (Il tousse).

Ils se resservent.

RAOUL VOLFONI : Tu sais pas ce qu’il me rappelle ? C’t’espèce de drôlerie qu’on buvait dans une petite taule de Bien-Hoa, pas tellement loin de Saïgon. Les volets rouges, et la taulière une blonde comac. Comment qu’elle s’appelait, nom de Dieu ?
MONSIEUR FERNAND : Lulu la nantaise.
RAOUL VOLFONI : T’as connu ?
PAUL VOLFONI : J’lui trouve un goût de pomme.
MAITRE FOLACE: Y en a.
RAOUL VOLFONI : Et bien c’est devant chez elle que Lucien-le-Cheval s’est fait dessouder.
MONSIEUR FERNAND : Et par qui, hein ?
RAOUL VOLFONI : Ben, v’là que j’ai pus ma tête.
MONSIEUR FERNAND : Par Teddy de Montréal, un fondu qui travaillait qu’à la dynamite.
RAOUL VOLFONI : Toute une époque !

Dans la salle à manger

PATRICIA: Tu boudes ?
ANTOINE : Bouder, moi ? Tu plaisantes. N’empêche que je commence à en avoir assez moi des amours clandestines ; s’embrasser par téléphone deux fois par jour, c’est bien mignon, mais j’suis un homme, moi, tu comprends ? Tout ça à cause de ton oncle. Ecoute, c’est vraiment trop bête, on dirait vraiment que vous avez tous peur de lui. Mais j’vais aller lui parler moi.
PATRICIA : Tu vas lui parler de quoi ?
ANTOINE : Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de nous.
PATRICIA: Répète un peu ce que tu viens de dire !
ANTOINE : De toi, de moi…
PATRICIA : Non, non, juste le premier mot, c’était le meilleur.

De nouveau dans la cuisine

MAITRE FOLACE : D’accord, d’accord, je dis pas qu’à la fin de sa vie Jo-le-Trembleur il avait pas un peu baissé. Mais n’empêche que pendant les années terribles, sous l’occup’, il butait à tout va. Il a quand même décimé toute une division de panzers.
RAOUL VOLFONI : Ah ? Il était dans les chars ?
MAITRE FOLACE : Non, dans la limonade, sois à c’qu’on te dit !
RAOUL VOLFONI : J’ai plus ma tête…
MAITRE FOLACE : Il avait son secret, le loup.
RAOUL VOLFONI , se levant précipitamment : C’est où ?
JEAN : A droite, au fond du couloir.
MAITRE FOLACE : Et… et… et… 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l’alambic ; un vrai magicien, Jo. Et c’est pour ça que je me permets d’intimer l’ordre à certains salisseurs de mémoire qu’ils feraient mieux de fermer leur claque-merde !
PAUL VOLFONI : Vous avez beau dire, y a pas seulement que de la pomme, y a autre chose, ce serait pas des fois de la betterave, hein ?
MONSIEUR FERNAND : Si, y en a aussi.

Dans la salle à manger

RAOUL VOLFONI : On vous apprend quoi à l’école, mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je l’vois, votre avenir ? Vous voulez le savoir ?
PATRICIA : Non, non, non…
RAOUL VOLFONI : Ben j’vais vous dire quand même, j’vois une carrière internationale, des voyages, ouais, l’Egypte, par exemple, c’est pas commun ça l’Egypte ? C’qu’ y a d’bien, c’est qu’là-bas, l’artiste est toujours gâté.
ANTOINE : Monsieur désire un renseignement ?
PATRICIA: Non, monsieur me proposait une tournée en Egypte
ANTOINE : Hein ?
RAOUL VOLFONI : Non, j’disais l’Egypte comme ça ! J’aurais aussi bien pu dire… le Liban.
ANTOINE : Je vois, monsieur dirige sans doute une agence de voyage ?
PATRICIA : mais non, voyons, chéri. Monsieur fait la traite des blanches, mais tu sais que c’est courant, allez, viens !

De retour à la cuisine

MONSIEUR FERNAND : J’reprendrais bien quelque chose de consistant, moi !
RAOUL VOLFONI : Dis donc, elle est maquée à un jaloux ta nièce ? J’faisais un brin de causette, le genre réservé, tu m’connais, voilà tout d’un coup qu’un petit cave est venu me chercher, les gros mots et tout !
MONSIEUR FERNAND : Quoi ? Monsieur Antoine ! Il s’agit pas de lui faire franchir les portes, il faut le faire passer à travers.
JEAN : Je serais pas étonné qu’on ferme !

Monsieur Fernand sort de la cuisine, suivi par les autres tontons flingueurs.

MONSIEUR FERNAND ,prenant Antoine par les épaules : Dehors tout le monde, allez, les petites filles au dodo. Dehors, et les familles françaises, ça se respecte monsieur, les foyers c’est pas des putes…
ANTOINE : Mille excuses, monsieur, pour cet excès de familiarité, c’est l’excès de boisson.
MONSIEUR FERNAND : Oh ! Qui qu’a bu ?
MAITRE FOLACE : Oh ! du jus de pomme
MONSIEUR FERNAND : Du tact moi monsieur Antoine et à toute la bande… Allez hop.
MAITRE FOLACE : Allez, allez, dehors, on ferme…
MONSIEUR FERNAND : allez, allez, allez, allez…
MAITRE FOLACE : allez, allez, allez, allez y. la sortie c’est par là. Allez ouste. On retire sa main de là. Allez, allez.
RAOUL VOLFONI : Barrez-vous, j’vous dis, barrez-vous.
PAUL VOLFONI : Allez au lit, au lit tout ça.

Les jeunes sortent. Paul Volfoni, pris dans le mouvement, sort avec eux et doit frapper pour rentrer dans la maison. Tous éclatent de rire. Jean signale à Monsieur Fernand la présence de Patricia qui se met à pleurer.

MONSIEUR FERNAND : On causait de quoi ?
RAOUL VOLFONI : De notre jeunesse
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