Pierre Rabhi

_J'aime Mançoura, j'aime Mançoura, le singea Sliman. Toi aussi ?
Il reçut ces paroles comme un coup de poignard. La crête était à cet endroit très élevé et le vide se mit à l'attirer. Il demanda dans un souffle :
_Quelqu'un d'autre....
_Non ! Lorsque j'ai dit " Toi aussi " j'ai voulu dire qu'elle aussi s'est confiée à ma mère. Et puis, essuie tes larmes, petit Mhalam, tu m'impatientes. D'être attaché à la terre comme des plantes vous rend trop tendre et larmoyant.
La sève de vos émotions s'écoule trop facilement. L'autre est ainsi, mais elle est fille, c'est normal ! Lorsqu'elle revient du puits avec le visage souriant, c'est que tu as bu.
Combien de fois l'as tu guetté pour étancher ta soif ? Au fond, tu as de la chance, car ma sœur est vaillante et belle et mon père s'est lié d'amitié avec le tien. Oh, rien n'est décidé, vous n'avez droit encore qu'au rêve et c'est la meilleur part, sans doute.
Quelque chose germe ailleurs. Lorsque Mançoura revient du puits, nous lui demandons : " A-t 'il bu ? cette fois encore ? "
Le jeune nomade partit d'un rire sonore, libre, qui fit lever son visage vers le ciel, et il était beau.