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Citation de philkikou


p.231 Une âme forte dans un corps de frêle apparence

Durant les quinze années qui ont été nécessaires pour arriver à vivre du petit royaume, des évènements et des actes ont modifié le temps, le déformant, l'allongeant ou l'abrégeant. C'est le contenu de la durée qui fait la durée. Supprimé le contenu, il n'y a plus que l'éternité. Je sens de plus en plus qu'il n'est pas d'équilibre possible sans la perception simultanée des deux notions : durée et éternité.
Tandis que nous cheminions d'évènement en événement, s'éveilla en nous le sentiment de la non-fragmentation. Rien n'est séparé de rien, le balancement : joie- peine- effort- repos- espoir- désespoir, se fait à l'intérieur d'une cohésion et non selon des alternatives contradictoires et indépendantes. Nous avons aussi appris que la plus grande mutilation que l'on puisse faire à l'homme, c'est de le priver de toute insécurité. L'insécurité nous a forcés à tirer de nous-mêmes des richesses que nous ne soupçonnions pas : imagination, créativité, résistance physique et psychique, victoire sur les privations de toutes sortes, les inconforts. Nous avons dû, par exemple, supporter pendant sept l'insuffisance presque chronique de l'eau et durant treize ans l'absence de l'électricité. Mes antécédents m'avaient préparé à ce genre de privation, ce qui rend mon mérite bien terne auprès de celui de Michèle. Celle-ci révéla d'une façon extraordinaire combien une motivation profonde, une détermination sans faille pouvaient être puissantes. Elle fut la constance même sur les chemins rocailleux , face au dénuement, aux incertitudes, aux déconvenues, aux revers de toutes sortes, aux travaux les plus harassants, et six grossesses dont une extra-utérine qui faillit la tuer. Une âme forte dans un corps de frêle apparence, mais combien doué de cette énergie que j'ai bien souvent admirée chez les femmes de mon pays et qui suscite une infinie tendresse . Dans notre aventure, si j'ai donné le mouvement à la grande roue, Michèle a assuré la solidité de l'axe. Si j'ai été la voile, elle a été le mât. La femme est un principe rythmique, l'homme est la danse. Nous avons toujours ressenti fortement nos complémentarités, avec, comme pour la plupart des couples, des orages, des menaces de rupture, des lassitudes profondes et des rejets violents de l'individualité à laquelle vous vous sentez, selon les péripéties, uni ou enchaîné. Cet autre qui chemine à vos côtés se révèle à vous peu à peu. Vous avez quitté ensemble et dans l'enthousiasme un quai bien solide, l'horizon vous semblait prometteur de toutes les joies, et puis la haute mer vous circonscrit, vous réduit à n'être plus que l'un par l'autre dans une dépendance réciproque. Vous établissez inconsciemment des conventions sur de petites lâchetés, sur de petites abdications. La dépendance vous aura dénaturé jusqu'à la caricature. Et puis vous vous rendez compte que l'amour n'est ni dépendance, ni possessivité, ni convenance, ni négation de soi ou de l'autre. Vous n'en aurez jamais un sentiment clair. Il préexiste à vous-mêmes parce qu'il est la vérité, non point la votre ou celle de l'autre, car elle n'est pas réductible à nos étroitesses. La joie vient, enfin vous êtes vraiment en communication. N'ayant rien à défendre, ni à revendiquer, ni à exiger, aucune barrière s'élève entre vous, seulement la merveilleuse compassion qui transfigure au centre du silence.
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